La
Tragdie dĠArthur
par William Shakespeare
Liste des personnages
La cour anglo-galloise
Arthur, Prince de Galles, plus tard roi de Bretagne
Duc de Gloucester, gardien dĠArthur, plus tard son conseiller
Constantine, comte de Cornouailles, plus tard roi de Bretagne
Guenhera, sa sÏur, plus tard reine de Bretagne
Duc de Somerset
Duc de Norfolk
Comte de Cumbria
Comte de Kent
Sir Stephen de Derby
vque de Caerleon
Crieuse et autres dames de la cour
Nourrice de Guenhera
La cour picto-cossaise
Loth, roi des Pictes
Mordred, fils de Loth, duc de Rothesay, plus tard roi des Pictes
Calvan, frre de Mordred, prince dĠOrkney
Conranus, roi dĠcosse
Alda, reine dĠcosse, belle-sÏur de Loth, tante de Mordred et dĠArthur
Duc des Hbrides, fils de Conranus
Alexander, un messager
Docteur
Colgerne, chef des Saxons
Bergre
Matre des chiens
Aide du matre des chiens, Garson
Denton, un soldat anglais
Sumner, un soldat anglais
Michael Bell, un jeune soldat anglais
Ambassadeur de France
Philip de York
Acteur roi
Actrice reine
Messagers, domestiques, chasseurs, suite,
Trompettes, hautbois, soldats, acteurs
Synopsis
Professeur Roland
Verre
Acte I : Dans la Bretagne du sixime sicle, le roi Uter Pendragon viole lĠpouse dĠun noble. Arthur, le rsultat de ce viol, est lev dans le Gloucestershire, loin des guerres incessantes de son pre avec les Saxons. Quand Uter est tu, Arthur hrite du trne, mais son droit celui-ci est contest. Mordred, hritier de la couronne de Pictland (cosse de lĠEst), fait valoir ses droits au trne de toute la Bretagne (Angleterre, pays de Galles, cosse et Pictland, ainsi quĠIrlande). Le pre de Mordred, le roi Loth, refuse de faire la guerre pour ce titre. Mordred dcide de provoquer la guerre. Les nobles anglais torturent un prisonnier picte, offrant ainsi Mordred une excuse pour faire entrer les Pictes (et lĠcosse) dans la bataille.
Acte II : Arthur mne ses hommes contre les Saxons, les Pictes et les cossais York, o il remporte sa premire victoire. Mordred bat en retraite jusquĠ Lincoln pour y rejoindre les renforts saxons qui sĠy cachent. Arthur envoie le duc de Gloucester mener son arme leur poursuite et jure dĠarriver avant la bataille. Au contraire, le duc de Gloucester, sĠtant dguis en Arthur, remporte une immense victoire contre des forces tonnamment puissantes. Arthur arrive en retard et permet ses ennemis de rentrer chez eux sĠils promettent de faire la paix et garde le frre de Mordred en otage. Les Saxons attaquent une fois de plus. Arthur, fou de rage, tue tous les prisonniers, mme le frre quĠil a en otage. Mordred devient roi de Pictland et jure de se venger dĠArthur.
Acte III : Gloucester organise un mariage avantageux pour Arthur avec une princesse franaise qui lui garantit la fortune, des allis et des forces pour lĠaider atteindre son but : une Bretagne unifie, paisible et prospre. Cependant, Arthur pouse Guenhera, la sÏur dĠun ami dĠenfance, qui lĠaime depuis quĠil est tout petit. Elle fait deux fausses couches. Les nobles dĠArthur se plaignent de son excs de sollicitude envers son pouse et de son manque dĠintrt pour les affaires militaires, de le voir transformer la cour en un lieu effmin dĠart et de loisir. Un des hommes se demande sĠil ne devrait pas assassiner Arthur afin de sauver le royaume en pril.
Acte IV : Arthur est beaucoup trop soumis sa reine, qui est une fois de plus enceinte. Il lui permet de faire juger des nobles lorsquĠils ont commis des actes grossiers ou lorsquĠils ont eu une conduite peu chevaleresque. Au milieu de tout cela, les Saxons attaquent de nouveau. Arthur se rend compte quĠil nĠa pas les moyens de dfendre son royaume et que, par imprudence, il sĠest alin les Franais et les Pictes, qui ne sont ses vassaux que nominalement. Oblig ngocier, il obtient lĠassistance des Pictes en nommant Mordred comme son successeur. En consquence, Mordred participe la victoire sur les Saxons Linmouth, mais souponne Arthur de vouloir manquer sa promesse.
Acte V : Pendant quĠArthur se bat contre les rebelles en Irlande, Mordred se rend Londres et apprend que Guenhera a fait une autre fausse couche mais quĠArthur a promis le trne au jeune Philip dĠYork, un des enfants illgitimes dĠArthur. Humili, Mordred enlve Guenhera et Philip. Arthur quitte lĠIrlande et dresse son camp dans un champ bourbeux le long de lĠestuaire du Humber pour combattre Mordred. On ignore qui attaque le premier et il nĠexiste plus de solution diplomatique. Mordred tue alors Guenhera, puis Gloucester au cours dĠun duel. Arthur, le cÏur bris, ralise sa faiblesse en tant que roi et comprend que son seul devoir est de tuer Mordred, ce qui assurera la fin de la guerre civile en Bretagne. Ce quĠil fait, bien quĠil soit tu lui aussi ; un nouveau roi de la Bretagne unifie est couronn.
Acte I, scne 1
[Lieu : Un bois dans le
Gloucestershire]
Entrent Arthur et Gloucester [1] [avecq des espieuz, pour chasser le sanglier]
Gloucester De noble droict, Arthur, vostre proye vous attend.
Mais attendez, mon Prince. Ne chargez point en haste.
Sa croupe est accule lĠespaisse escorce
DĠun chesne. Disposez chaque cost deux hommes
Agenouills, arms : quarreaux [2] aux dents aigues. 5
Arthur Tres bel et doux Gloucester, gardien de mon estat,
Je tĠayme tendrement pour tes soins delicats.
Mais ici o la guerre ne peut pas sĠimposer,
Tu es trop vigilant pour ce Prince de Galles.
Crois-tu quĠelle frapperoit en desirant occire ? 10
Gloucester Ses defenses rasoirs perceront ton armure
Comme pour destrancher du veloux [3] poil lasche.
Arthur Defenses rasoirs ?
Gloucester Seigneur ?
Arthur Nos mots despassent 15
Nos oreilles. Ton babil est de sangliers,
Comment, mon cher ami, ton coeur a-t-il eschu [4]
Ce trebuchet sournois, la bergiere couche ?
Gloucester Une bergiere ?
Arthur QuĠun echo garde ma sant ! 20
La bergiere qui l, cache dans un bosquet
Estendue sans fremir, elle feint lĠendormie.
Dis vray, ne lĠas-tu marque ?
Gloucester Prince, jĠai marqu
Cette laie, vostre proye. 25
Arthur Je te prie ne me tentes
De ces recits de lard dans la forest profonde,
Quand des ms [5] bien plus fins se goustent [6] par embas [7].
Gloucester Jeune Sire [8], oncques [9] vous ne vous meslerez
Ë poursuite si chaude, messeante un prince. 30
Gardez, je vous lĠenjoins, vostre ame chrestienne,
Et chaste me rejoindrez pour poursuivre la chasse.
Arthur Cher vieux duc de Gloucester, mon bon et gris seigneur,
Pour ces sages conseils, vos dons et soins si doux
Je voudrois vous serrer contre mon corps royal 35
Le jour o le flot dĠor [10] coulera sur mes tempes.
Ne sois pas aujourdĠhuy prophete sans esprit,
Couvrant ternes conseils dĠun carcan trop devot.
Soubs la voix de mon pere second je ne veux pas
Sentir pieuses cadences [11], nenni, mon Duc, pas toy. 40
Gloucester Pere mĠappelez vous, me baillez-vous ce nom ?
Estes mon fils unique, avec amour, depuis
Une certaine nuit, o la porte chez moy
DĠun bruyant grincement foudroya le sommeil [12], 43a
Arriva un coursier [13], tout noir soubs les estoiles,
Merveilleuse despeche de mon roy assieg, 45
Preuvant grande confiance, quand lecture fut faite.
Puis des soldats pousserent la nourrice vers moy,
Dans ses pauvres vieux bras, jĠapperceus un balot [14] :
Toy pli [15] de panneaus [16] couleur rouge dĠOrient [17].
Gemissant, elle tĠa dit : Ç Garde toy, mon garson È, 50
Et refusoit dĠouvrir son poing pour te laisser.
Alors, encore au lit, avec jeune espouse,
Sans sĠestre embrasss pour une seule nuit,
Ë nos yeulx apparut un tout petit garson.
Arthur Estoit plus une mere que fut ma propre mere, 55
Ta femme bienheureuse.
Gloucester Qui jamais nĠengendra
Et tĠayma comme son fils, jusques son tombeau.
Cris au loin
Arthur Ta laie est confes [18] et dit ses derniers mots
Lors que pour du mouton je charge mon espieu [19]. 60
Gloucester Mon prince, nĠavez vous donc rien dĠune conscience ?
Arthur Si, jĠai conscience, Duc, jĠai conscience dĠun rien [20].
Avant que de flotter sur memoire des jours,
Ou de perdre un caillou [21] aux babines truffieres [22],
JĠirai dans ce vallon o elle est assopie [23], 65
Et resve doucement de princes ou de pastres [24].
Ce que seme Mab, moy, je le cueuls [25]. Sus elle [26] !
[Arthur] sort
Gloucester Ç Arthur, au Gloucestershire, est sauv de la guerre. È
CĠestoient les mots du roy, Uter, et moy Gloucester —
Moy, Gloucester le guerrier — me voila esmal [27]. 70
Tout nouveau chevalier et chaque duc nouveau —
Promu titre vide par le manque de testes
Dans les casques sanglants de nos seigneurs occis —
Visages renfroigns : moy, nourrice sans guerre.
Je nĠavois rien choisi, jĠobeyssois au roy : 75
Non seulement seroy le protecteur du prince,
Et je garentirai lĠavenir du royaume,
Seroy Mentor [28] anglois de mon Prince de Galles
Ë un regne plus sage, jĠesleverai un homme,
Bannissant toute guerre de nos costes en sang. 80
Je nĠai eu dĠautre fils, ny dĠespouse longtemps.
Le jour quĠayant taill une espe dĠune latte [29]
JĠai feint estre bless, jĠai affect la mort,
Puis port sur le dos du matin jusquĠau soir,
Me semble moins lointain quĠune demi semaine. 85
Or jamais ne fut mien, uniquement prest.
Voyla quĠest apparu ce tout jeune gaillard,
Qui nĠest plus le garson qui me prenoit pour Mars,
Mais gast [30], demi-prince au bras foible duquel
Bientost doit se tenir tout le peuple dĠAlbion [31]. 90
Je dois lĠeslever roy ou mĠenfuir avec luy
Selon les dicts du sort, les armes des Saxons [32],
Et autres querelleurs escossois pleins de grief [33].
Soit guide soit guid. Pour les deux eslev.
Le blasme sera mien en cas ne soit idoine [34]. 95
Censure est pour le duc, mais Gloucester est si las,
Qui sacrifia son nom afin de faire un prince.
Quel roy ai-je forg ? LĠAngleterre sera juge.
Entre un messager
Hors dĠhaleine, mon gars ?
Messager Oui, vostre grace. Suis-je 100
Aux nouvelles du jour, le premier venir ?
Gloucester Non, nulle nouvelle, de toy ni de personne.
Messager Nous estions dix York, envoys annoncer
Ë vous et Arthur aussi triste nouvelle.
Gloucester Qui, de luy ou de moy, doit lĠentendre en premier ? 105
Messager Un herault erudit doit desnouer cecy.
Vous, seigneur, car vous estes de luy le protecteur,
Luy, seigneur, car il est maintenant vostre roy.
Gloucester Mon roy ? Comment, le roy ? QuĠadvint au roy son pere ?
Messager De cela lĠambasse en partie despendra. 110
LĠeau dĠun puits il a bue, cĠestait eau venimeuse [35],
Desloyaut perfide des Saxons lĠa desfaict,
Pourtant dans sa lictiere [36] [37], malade, il menoit.
Son gordin sĠeschappoit de ses doigts affaiblis,
Regentoit en murmures que peu savaient entendre. 115
SĠescriant Ç En avant ! È mais sans aucun effect.
Sur les hauts murs de York voltige le drapeau
Saxon, le Picte [38] Loth vendique [39] nostre throsne.
Gloucester Ainsi la mort dĠun homme enhardit Nord poltron
Et le forain [40] sĠallie des troupes loingtaines, 120
Tous conspirent pour prendre la couronne angloise.
Messager O est le prince, Sire ?
Gloucester O, le prince ? Le roy
Est l, a bas, en chasse.
Messager Me faut-il le rejoindre ? 125
Gloucester Non, tantost. Laisse-luy encor un heureux souffle.
[Le messager sort]
LĠoffice attendra, quĠon luy donne delay.
Le jour craint-desir nous a transis dĠeffroy.
Qui est l ?
[Entre un serviteur]
Serviteur Seigneur ? 130
Gloucester Demande ton maistre de rĠaccoupler les chiens,
Il doit nouer les lesses [41], desbander son plaisir.
Previens tous nos amis des rives de la Wye [42],
Ë lĠabbaye de Londres, puis York, quĠils se hastent.
Un roy mort, il faut oindre lĠheritier, et combattre. 135
[Ils sortent]
Acte I, scne 2
[Lieu : Un champ dans le
Gloucestershire]
Entrent Arthur en pastre [43] et une bergiere
Bergiere Si tu le treuves bon, assys toy et regarde mon trouppel avecques moy. Il y a assez dĠherbe pour y coucher nos corps. Et dĠarbres pour couvrir ton blanc visage [44], si tu le treuves bon.
Arthur Je le trouve fort bon, Joan. Ecce signum [45] [46], et voyci une primerolle [47] [48] pour tes cheveux. 5
Bergiere Lechier [49], vous estes ? Je treuve moy mesme mes fleurs sans aide aucune, Dieu mercy.
Arthur Belle oye, tu parles vray. Mais saurois tu les tresser en couronne ? Je fus jadis docte tordre les tiges sous quelque forme que je conoy. Voudras tu une couronne, Reine ? 10
Bergiere Tu me nommes quoy ?
Arthur Une reine, dame royale de tous les domaines environnants.
Bergiere Oh, et tu serois mon roy, alors ? Pas un Jacques ne sĠasseoyt devant moy qui ne promet moins quĠempires pour un baiser. Et pas un dĠeux qui ne mĠen livre aucun. 15
Arthur Les scelerats ! Mais tu ne leur desployes aucun credit [50], ma Joan, ce seroit grand dommage. Or je ne suis bergier dĠun train ordinaire. Ne trouves-tu pas ?
Bergiere Plus joli, il est vray, mais cĠest l nuage en forme de cerf, qui bien tost se transforme en dĠautres formes, si ce nĠestoit de le voir croistre un pied ou deux de cornes [51]. 21
Arthur Elle est sage et lĠesprit assez eveill pour une reine ! Lors je mĠen trouve bien. Voudrois-tu un anneau de pousses pour ta jolie main ? Puis-je forger ces fleurs pour en faire nos bans [52] ?
Bergiere Me le rechignerois-tu ? 25
Arthur Aucun homme ne le pourroit, ny le plus devou ny le plus vil des fripons. Pour des levres si rouges je ne rechignerois donner un empire. Mais parlons de royaume ? Ce saule nĠest-il pas assez de domaine ? Pas assez vaste pour un empire cette laiche [53] qui retient la berge proche ? Plus seur [54] aussi que ce jour et cette nuit suffisent des amis ? 31
Bergiere Seur quĠil est temps pour que les pastres parlent une fille et treuvent encor une heure pour prendre party de sĠenfuyr.
Arthur Personne nĠest assez poissant [55] pour fuir, qui a goust ta compagnie fleurissante. 35
Bergiere Un anneau de fleurs ne suffit pas engager la foi [56] pour toute une vie.
Arthur Cette fille jacasse aboque & abaque [57] ! Quel jour sommes-nous ? Dis moy.
Bergiere CĠest lundi, Jacques. Seur quĠhier encor au matin le prestre parloit de choses et dĠautres. 41
Arthur Lundi, doncques, cĠest lundi. Et que sais-tu de jeudy en project ? Dis, sorciere, que je puisse cognoistre lĠadvenir ! Peut-estre chasserons-nous une arme saxonne, ou bien cette riviere par trop hardie mouillera champs et ville, ou une verole entraisnera trespas un homme sur trois ? Doncques, dis-moy, Joan, que cognois-tu de jeudy prochain ? 47
Bergiere Tournemelon [58] [59] ! Crois-tu que des langues de serpents comme la tienne ne mĠont jamais siffl de douceurs ? Que cognois-je de jeudy ! Bah ! Je ne le saurois craindre. Je say quĠil sera aussi peu different de ce jour que ces deux herbes vertes le sont lĠune de lĠautre. Je say que je le verrai depuis ce saule l ou de cestuy-cy, o mon sonnailler [60] ayme paistre ce doulx treffle. Je serai assise icy jeudy, mon prince fleuri, sur ce throsne [61] mesme. Puis je aisement despasser vostre regard avecques pareille vision ? O seras-tu jeudy ? Garson effray, ce jeudy prochain ou dans dix ans te fait-il trembler de frayeur ? 58
Arthur Ha ! Je tĠayme tant, Joan. Nenni pas, il nĠest jour aupres de toy, glissant dessus ces vastes flotz [62] de verdeur, qui puisse mĠeffrayer. Je te le dis, Joan, je le say, oncques puis [63] ne te quitteroy. Je ne puis fantasier [64] un jour, jeudy ou autre, o je ne sentiray comme aujourdĠhuy. Je suis une tuerterelle [65], je nĠai point de pensement [66] du temps que celuy-cy, une semence plante, accroissante, enfle jamais. 65
Bergiere Accroissante, enfle, je crois bien [67]. Des mots vains, il nĠy a point de difference si tu parles ou si tu maintiens muette cette voix, le soleil ne se meut plus soudain par ce que ta langue sauvage le fouette.
Arthur Reine de sagesse ! Tempeste moy durement, doncques ! Ferme ma bouche tracassiere, emprisonne mes mots rebelles sous un doux verreuil [68]. Viens, garde mon silence. 71
[Ils sĠembrassent]
Fanfares, trompettes au loin, cris
[de] Ç Arthur È, Ç Prince È
Bergiere On appelle un nom royal.
Arthur Quelque malheureux duc, qui il est demand de juger du droict dĠun gredin, ou qui doit mener des garsons tremblans souffletter lĠacier des Saxons. 75
Cris au loin
Bergiere Ils le recherchent plus prez [69]. Ils seront bien tost l.
Arthur Je saigne dĠun remors piquant pour cette personne, pour ses jours en son priv, en ses cabinets, en armure. Si jĠestois ce prince maudit, jĠavois fui dez le desjuner. 79
Bergiere Ils arrivent, ils arrivent, ils sont tout au proche [70]. Pourtant je ne voye personne dĠaspect princier. Pour quoy doivent ils troubler nostre tranquillit resserre ?
Arthur Ah, ah, ah, si ce nĠest que tu es sans doute quelque dame jouant la pastorale, fleurissant ses jupes ! Je voye maintenant, malicieuse, que ton troupeau est fait de courtisans, tes dames de compagnie trainent l haut, branchues et en habillemens de feuilles et de nids dĠoyselets. Et voicy ton chambellan maigre estrill [71], delivr quand tu luy commanderas de mordre mes mollets. 88
Cris au loin
Bergiere Toujours ils viennent vers nous.
Arthur Lors il me faut mĠen fuir avant que vostre altesse me sequestre dans un donjon vostre plaisir, ou mĠestire dĠun ou deux pouces du fait de mes attentions grossieres.
Bergiere Buffon [72] ! Daw [73] ! O tĠen vas-tu ? Tu cours, tu cours. 94
Arthur Mais loing de tes huissiers dĠarmes. Si tu nĠes pas quelque reine dissimule, sois icy dans une heure et je te rejoindrai. Es-tu affectionne [74] le jurer ?
Bergiere Tu desires tĠen fuir ? Fuis doncques. Pour quoy ? Mais icy, un tesmoignage, et un autre de toy.
[Ils eschangent des tesmoignages]
Arthur Une heure, une heure. 100
Bergiere Mensonges et mensonges, mais icy resterois-je une heure et une heure encor avant dĠenclorre [75], et des jours et des jours si tu veux mĠavoir.
Cris au loin
Arthur Une heure, une seule heure, Joan, je le jure.
Ils sortent
Acte I, scne 3
[Lieu :] La cour picte
Fanfares et trompettes. Entrent Loth de
Pictland, Conranus dĠEscosse, Mordred de Rothesay [76], [Calvan], Alda [77] [78] et autres personnes
Loth Trop echauff, mon fils [79].
Mordred Il fut un temps, Seigneur,
O vostre propre bile mesme chaleur ardoit [80],
O les Pictes savoient les humeurs du roy Loth.
Car quand il brimballa [81], grichu [82], toutes les isles, 5
Ardeur immoderee le piqua ardemment,
Pour descharger son fiel [83], desfict le mont Grampian.
Puis-je donc oublier que je suis vostre fils ?
Conranus Laisse, o duc farouche, ton pere reposer.
Mordred Mon oncle, du repos, je suis cruel bourreau. — 10
[Ë Loth] Vostre vigueur fond vite, grand roy. Vostre couronne
NĠoubliez pas sa garde ! Poursuyez ceste garde,
Ne laissez pas en friche le trictrac des affaires,
Pour vivre en retost [84] au royaume des cieux,
Tant que vostre forme remplit ce siege terrestre, 15
Mais bridez les actions soubs vostre conterolle [85]. —
[Ë Calvan] Le cuir froid de ton pere, mon frere, tiedis le [86]
Par ces quelques nouvelles tu entendis a bas [87].
Calvan Oui, le prince, Arthur, va sĠenvoler vers Londres,
Trouver la tour romaine [88] au bord de la Thamyse, 19a
Si tost quĠil a lev quelque puissante arme 20
Pour bouter [89] la couronne en dedans lĠAbbaye,
Une fois roy de Bretagne, l, avec beneysson [90],
Il se rendra York avec terrible eslan [91],
Venger son pere mort en tuant des Saxons.
Mordred Arme puissante ! Terrible eslan ! Vengeance ! 25
Qui donc est cet Arthur, Calvan ? Arthur Taupin [92],
Cach chez les Gallois, ose ouvrir les yeulx !
Ses vaines gravelures [93] tacheroient la couronne,
Braveroient lĠair de Londres et les lames saxonnes,
Tandis que les Escossois et les Pictes — leurs dagues 30
Rengainnes, leurs ceinctures [94] au repos sur les murs —
Affets, delicats, demeurent sans bouger.
Conranus Arthur provenoit bien de semence dĠUter !
De son lay [95] il ne gaigne quĠun conflict ombrageux.
QuĠil vive long temps comme son sire mort vescut, 35
Esperdu par les guerres contre la Saxonnie,
Vaillante en tout poinct comme le roy anglois
Pour toutes les saisons de lĠanne, sur ce nous
Regnerons de la Tweed la Tyne la Tees.
Arthur soubs son fardage [96] peut garder sa couronne 40
Car la mare du Nord sĠescoule vers le Sud.
Mordred Tes frontieres se meuvent par toise [97] et par pouce :
La Bretagne entiere, nostre isle entiere —
Anglois, Gallois, nos Pictes et tous tes Escossois —
Cercle dĠune couronne, une seule, la mienne. 45
Conranus De ton pere.
Mordred De mon pere, oui, sĠil vouloit
Estendre une main vers la teste dĠArthur.
Conranus Ce vent de rhetorique ne trouble lĠheritier [98].
Mordred La semence dĠUter nĠeut dĠenfant legitime. 50
Le desir effren poussa ce roy vicieux,
Cornouailles absent, dans le lit de ce comte,
Et l lĠacier [99] gratta ce prurit resistant [100].
La dame engendra ce faux prince de Galles
Uter osa alors assassiner le comte, 55
Conspira contre lui, tel le David des Juifs [101],
En cela seulement possedant royaut.
QuĠil ait condescendu compter la comtesse
Comme reine pas plus nĠondoye [102] Arthur en roy
Que parer une viande gaste [103] par les mouches 60
Ne lui donne saveur pour un banquet royal.
Donc Uter fut defaict par les armes saxonnes
Car Dieu veut droiturer [104] la ligne fracture :
Chaque roy sa ligne, chaque ligne son roy.
Au cas quĠArthur gouverne, cĠest viol de loi divine. 65
Les Escossois, les Pictes, devroient estre damns ?
Anne, soeur dĠUter mort, vostre reine, ma mere,
Vous accorde, mon pere, de la tombe, ce siege
Legitime et veut que vous le postuliez.
Conranus Tout doux ! Cet Uter mort estoit deux fois ton oncle. 70
Ma reine en Escosse pleure la mort dĠun frere.
Cruelle ta menace dĠarracher sa couronne,
Faire pleuvoir la mort sur le fils de son frere.
Mordred Que dit donc ma tante [105] ? Depuis quand parle-elle ?
Et toy, oncle docile, homme lige de Loth, 75
Le vassal de mon pere. LĠEscossois sert le Picte :
Conranus est fait roy grace au roy des Pictes,
Malgr que son silence ait la grace des Pictes. —
[Ë Loth] Pere, eslevez vous et buglez, implacable,
QuĠune voix destruise les murs vols de Londres 80
Et que le fraile [106] Arthur couvre ses deux oreilles,
Vous rende la couronne, quĠil la rende Dieu.
Loth [Faible murmure] Et sĠil nĠentend pas nostre appel ?
Mordred Plus fort, plus fort.
Je nĠentends que toux. 85
Loth SĠil nĠentend pas nostre appel ?
Mordred QuĠil escoute le bruit de cette guerre juste
Pour quĠAnglois remarquent vostre ardeur martiale.
Loth Discuter de la guerre est bien trop en retost [107].
Mordred Pour quĠardente vigueur reflue enfin chez vous, 90
Retardez donc un peu — nostre duplicit :
Mandez en Angleterre nostre ambassadeur,
Et un ordre priv [108] dans le camp des Saxons :
Pour les aiguillonner secrettement vers nous,
Les inciter au Sud pour frapper sans tarder, 95
Puis faussement troubls par le besoin anglois,
Nous aurons lĠoccasion dĠoffrir nostre secours
Pour poser la couronne sur teste choisie par Dieu.
Quand vous serez Londres, nouveau roy de Bretagne,
Nous aurons vasselage [109] et aide des Anglois, 100
Et nous pourrons bouter les Saxons de nos costes.
Conranus Frere, ose faire fi de la paix de mon coeur,
Ou dire quĠun vieillard tousjours fuit le travail.
Mais je me suis battu prez de toy Iona.
Ma claymore [110] fumeuse [111] fendit les Norvegiens. 105
Escoute donc les mots dĠun amant [112] tel que moy :
Tant de guerres violentes, si vite embrases,
SĠesteindent grand-peine, seules, de leur plein gr.
Et vois comment nos armes bastirent de hauts murs !
Enclost [113] par les serpents des boucles de la Tweed, 110
Nos hauteurs [114] ont mespris des fleches et des haches.
Que nous importe, Loth, prince escervel
Qui pense estre roy de toute la Bretagne ?
Mordred Quelle paix apprecie sinon ensanglante ?
Resverie pour mon pere qui resve dans son lit, 115
Quand le roquet Arthur, roy du fiantoir [115], se veut
SĠemparer de deux tiers de mes droicts de naissance.
Loth Il suffit. Je nĠai point dĠappetit pour la guerre.
QuĠun envoi garantisse quĠArthur est bien roy.
Mordred Mais pas de Bretagne. 120
Loth DĠAngleterre, si tu veux.
Mordred Je vais mĠen acquitter dans ces termes precis.
Loth Duc Mordred, heritier, sois content.
Mordred Je le suis.
Toute correspondance pleine vos desirs 125
Est la satisfaction icy dĠun fils qui tĠayme.
Loth Embrasse donc ton oncle, qui est le roy dĠEscosse.
Mordred Le coeur heureux.
Conranus Je mĠen resjouy.
[Ils sĠembrassent] Loth se pasme
Mordred Docteur, du vin ! 130
Une coupe, une dose de vin ! [Ë Loth] Seigneur ? —
[Ë un serviteur] Conduis le dans sa chambre ! Je ne tarderai pas.
Ils sortent [sauf Mordred et Calvan]
Mon cher Calvan, mon frere, porteur de ma confiance.
DĠicy nous enverrons deux ambasses distinctes,
Tu seras le premier, tu partiras York.
Calvan Comment former [116] ma langue ? 135
Mordred Avecq mots dĠamiti.
Ambassadeur York, vois des forces saxonnes,
Leur commandant, Colgerne, la barbe de feu.
Ë York il boit et jure et frappe ses molosses,
Il brusle des abas ses dieux aux yeulx rouges — 140
Un fumet de charogne froisse les sens [117] chrestiens —
Sans retirer dĠacqut [118]. Ses qualits exalte.
Avec lĠor de Mordred, fais le sortir de York,
Que lĠespe des Saxons les environs ravage.
Mais, frere, que nos mains se serrent dans la nuit. 145
Dans lĠombre il faut garder lĠamiti de Colgerne.
Calvan Je dois elucider [119] cette affection crapaut [120].
Calvan sort
Entre un
messager
Mordred Quel messager arrive ?
Alexander Mon seigneur.
Mordred Toy, ton nom ? 150
Alexander Mon nom est Alexander, grand Duc. Je viens de Wick [121].
Mordred Alexandre le grand avoit un beau visage.
Tu parois posseder de fort belles manieres.
Alexander SĠil plait vostre grace, ma mere mĠa appris.
Mordred Viens doncques. Il nous faut tĠapprendre nouveau 155
Mots de meffy [122] ardus et de mepris tres grand.
[Acte I,] scne 4 [123]
[Lieu : La Tour de Londres]
Entrent Gloucester, lĠevesque de Caerleon,
Somerset, Norfolk, Cumbria, Kent, Derby
Kent Comment ? Estes vous donc protecteur du royaume ?
Gloucester Avec patience, sires, pour un jour seulement.
Demain, grace ta main, Caerleon, le prince
Arthur sera beni en lĠabbaye de Londres,
De sa flexion [124] un roy sĠeslevera parfaict [125], 5
Sans plus besoing de moy, qui fut son protecteur.
AujourdĠhuy de vos armes je poise [126] la puissance [127],
Car nous apres demain repartirons en guerre.
Le prince veut le nombre des bestes et des hommes
Dans vos rangs imposants, pour en faire le compte. 10
Lances de la noblesse, et piques du commun ?
Somerset Tout doux, en temperant nostre haste, Gloucester
Prevoit que sans conflit sera lĠobeissance.
Or ont barons anglois depuis longtemps des droicts,
Et libres ils acceptent le roy quĠils ont choisi 15
QuĠil soit ou ne soit pas lĠenfant dĠUter.
Gloucester Si non ?
Norfolk Estre fils noir dĠUter nĠen fait pas heritier.
Avec un tel poinon [128] dix mille roys anglois
Dansent autour du mast, attelent boeuf au coutre [129], 20
Despurent [130] le claret pour mĠabreuver table,
Cependant ces manants ne sont comme Arthur,
Qui ressemble leur sire, son portrait tout crach,
Disne avec ses grues, ses garces, ses toupies [131], 23a
Troqueroit lĠAngleterre pour le champ de St. George [132].
Somerset Nasquit la Saint-George, sĠy sent comme chez luy [133] [134]. 25
Gloucester Honteux et calomnieux, seigneurs, ce babil rude
Convient mal lĠamour pour vostre souverain.
Norfolk Gloucester, quel nom demain vous baillera le roy ?
Gloucester Le roy fera de moi seneschal dĠAngleterre.
Somerset Vous detiendrez les clefs de toutes les poternes [135] 30
Et le roy minuit eschevera [136] la garde
Gloucester Ces interpretations demanderont quictance.
Cumbria Mais qui voudroit douter du droit divin dĠArthur ?
Ces bras cy embrassoient le roy Uter mourant,
Deux fois plus grand que moy, que vous, que tout seigneur. 35
Dessous les murs de York, moy il a cri :
Ç Le prince Arthur sera vostre roy legitime. È
Kent Cumbria, ame tendre, cela est tres bien dit,
Mais depuis sa jeunesse vous nĠavez vu Arthur
Sur son menton alors nĠestoit barbe virile, 40
Plus drue que sur framboise [137] au grand chaud de lĠest.
Somerset Depuis quĠelle a pouss, vous verrez quĠaucun homme
Ne vit pouces du prince [138].
Kent Est-elle donc si longue [139] ?
Somerset Elle est tel un serpent ou celle dĠun tailleur [140]. 45
Gloucester De vos droicts de baron lesquels sont maltraits ?
Norfolk Le prince se repose depuis dix sept ests
O dĠapres la rumeur, au Gloucestershire [141], Arthur
NĠest fol que de luxure et il nĠest que le roy
De nombreuses bergieres, ces reines quĠil attrape 50
En sifflant dans un brin jusques un lit de treffle.
Il nĠa pas continence, qui pourroit empescher
Ce garson dĠexercer cette folle luxure ?
Somerset Chaque passion du pere fulmine chez le fils !
Faudra il lĠabbaye, les mots de son serment, 55
Pour apaiser la rage de nostre prince gallois, 55a
LĠire que demasquent ceux qui devroient lĠaymer,
Car sĠesmeut sa furie peine quĠon le touche,
Il peut frapper un homme bien n avec rancune,
Despense mots dĠamour sur souillon de cuisine.
Gloucester Les bestes oyent les contes et qui voudra les suit 60
Le gaillard est guerrier. Jouxtez [142] donc contre lui.
Ë la premiere charge, vous serez sur le dos
Comme puce navre [143] en coquille de noix [144].
Soulevant sa flamberge [145] il fendra vostre casque
Soit dĠestoc soit de taille, du pommel : choisissez [146]. 65
Il se rendra York, un deluge bouillant,
Viste [147] comme en pense vous parcourez le globe.
Kent Comme son pere donc, il desire la guerre ?
Ceste guerre du pere vola la vie du pere.
Voudroit le fils du pere le pere egaler 70
Et nous faire marcher la mort, afin que
Le fils, comme le pere, puisse coucher au Nord [148].
La guerre jamais, la guerre jamais.
Cependant les Saxons goustent York devast
Et se contenteroient dĠun tel embrassement. 75
Pas par trop foul, par trop saign, trop las,
Pourtant le prince Arthur vient brandir son espe.
Cumbria Quel danger craint tant Kent, puis quĠil vit dans le sud,
Cumbria est estreinte par le nord et par lĠest.
Kent Je ne desire point tĠentendre calomnier ! 80
Cumbria Ny les Saxons desirent une paix selon Kent !
Caerleon Suffit vaine chaleur ! Seigneurs, faites la paix [149] !
Entre Alexander
Gloucester Quels mots apportes-tu, manant ?
Alexander Cy point de roy.
Gloucester Il va venir tantost. Encor : quels mots ? Plus viste ! 85
Alexander Mon maistre me prie de dire : Ç Point icy de roy. È
Norfolk Quel maistre, histrion ?
Alexander Qui est le protecteur ?
Gloucester Tu le lasses chocard [150] balbutiant.
Alexander Vous salue : 90
Ç Vice-regent dĠun prince illegitime et fourbe. È
Gloucester Quel maistre sur ta langue met de telles paroles ?
Alexander Permettez sans contrainte, nobles anglois, ces mots
Me laisser exprimer, car ces mots sont de Loth,
Qui est grand roy des Pictes, et aussi de Mordred 95
Son fils aisn, qui luy est duc de Rothesay. 95a
Gloucester Tu tardes longuement, messager, en licence,
LĠabsolution seroit maintenant pertinente [151].
Ne crains icy dĠaccueil barbare. Continue.
Alexander Ainsi donc parle Loth, roy des Pictes.
Kent Et Mordred. 100
Alexander Oui, de mesme, Mordred, le duc de Rothesay.
Ainsi en brevet [152], je parle verit.
kent Adverti sans ambages, je nĠespere aucune.
Dis-nous ce que proclame au nord ton duc nabot [153] ?
Alexander QuĠArthur fut engendr par furieuse violence [154] 105
Et au dehors des liens sacrs du mariage.
Uter vola un uterus Cornouailles,
Planta germe fautif, puis il tua le comte,
Anoblit son bastard, nĠayant pas dĠheritier.
Selon les lois chrestiennes, on dit que lĠadultere 110
Engendre un bastard sans aucun droict au throsne,
Et crime contre Dieu de soulever lĠespe
Pour estayer [155] un titre aussi triobulaire [156].
Ny Uter ny son frere nĠeurent de descendance [157].
Anne, leur soeur aisne, estait femme de Loth, 115
Qui regne sur les Pictes, lĠEscosse et lĠIrlande,
Regne sur les Anglois, les Gallois, par sa femme.
Le roy Loth et Mordred vous prient, seigneurs anglois,
Et evesques, ouvrez lĠabbaye et Londres,
Pour y rendre hommage au roy Loth, vostre roy, 120
Car telle est la vieille coustume britannique.
Derby CĠest tout ?
Alexander Ainsi complet, avec vostre amour,
Il ordonne aux seigneurs gallois et dĠAngleterre :
SĠunir avec ses terres et les isles lĠouest, 125
Pour ensemble bouter le Saxon hors dĠicy.
Derby Hors dĠhaleine ?
Gloucester Ainsi il ne demande pas plus ?
Pour luy nos vies, nos biens, une longue ligne,
Nous monstrer courveables [158], nostre fiert soubmettre ? 130
Alexander Le duc mĠen a dit plus, si vous contestiez
Ma premiere depesche, son fond et sa logique,
Bien que ces mots je craigne de vous les exprimer.
Derby Comme vapeurs feculentes [159] du Nord empuantissent !
Pour peu que soient plus hautes les asles [160] de Mercure 135
Elles pourraient dissiper ces vents que tu expires [161].
Nous as-tu demand pre-pardon [162] de ta langue
Pour licher [163] nos oreilles de ces nergues [164] ameres ?
Remporte au roy Loth veritable response.
Il frappe [Alexander]
Alexander Chevalier mescreant, cette violence [165] froid 140
Ë une ambasse est Dieu anatheme.
Derby O messager, tiens compte de ces quelques mots.
Quelle est ton escriture ? Celle dĠun secretaire [166] ?
Pourrois-tu, mon garson, mes mots en noir escrire,
De sable blanc et fin de Calais [167] seche-les, 145
Ou ta teste citerne garde elle son eau [168] ?
Rapporte ton roy mots de Stephen Derby.
Il frappe [Alexander]
Alexander Tres vitieux [169] chevalier ! Un coup sans loy ni grace !
Norfolk Loth, Mordred briguent-ils le plaisir dĠAngleterre,
Longuement estreindre terre riche du Sud ? 150
Dis-leur, pourpre herault [170], toy, tout rouge de honte [171]
Avec les mots dĠacier de Derby, que Norfolk
Veut calmer leur passion et candir leurs cailloux [172]
Dans la Clyde gele : les Anglois ont leur roy,
Un roy aym de tous et des plus moder, 155
Extraict [173] dĠun tronc ancien de seve heroque,
Grand maistre de lui-mesme eslev pour regner,
Medusant lĠEscossois dĠun regard basilisq [174].
Dis cecy Mordred de la part de Norfolk.
Il frappe [Alexander]
Alexander La grande Angleterre manque donc de vertu 160
Telles ces villes perverses dont Dieu fit des cendres [175] ?
Gloucester Nobles, refrenez vous, cessez dĠagir ainsi !
Kent De nostre Tour romaine partons chez Loth, car
La guerre est la clef qui fera locher [176] ses terres,
Pour gravir ses Highlands, pour bien le chastier. 165
Observe lĠesperon de ce comte de Kent,
Va dire Mordred, palefroi de Gallway [177],
Que soubs le poids du roy, Arthur, il courbera
Sinon cet esperon ira fouiller son flanc.
Il frappe [Alexander] avecq lĠesperon
Alexander Accordez moy de fuir, hommes cruels ! Suffit ! 170
Gloucester Retire toy, bon Kent, rage te convient mal.
Somerset Non, Gloucester, ce nĠest rage, car cĠest honneste loi.
Atteste, bon prelat Caerleon [178], ce qui suit :
Une ambasse a droict ces six liberts :
Parler guerre, ou paix, ou amiti, ou non, 175
Exprimer des reproches, termes de la ranon.
Caerleon CĠest bien carr [179].
Gloucester Mais nĠautorise pas les coups.
Somerset Des demandes grossieres, faire de nous des serfs
Nous faire transporter du charbon [180] au roy picte, 180
Morguer [181] le roy Arthur et nos talents virils,
Commettre une leze majest criminelle,
Innombrables faons dĠexciter nostre ire.
Si valet ne devoit our nos mots tempers
Je trancherai ces lettres patentes [182] et pendantes. 185
Ce coquin a besoin de leons pour parler,
Et de nous sollicite bien douce correction !
Il frappe lĠambassadeur
Cumbria Ne sont pas ns anglois, vostre Mordred et Loth,
Et aux Anglois repugne un empire estranger.
CĠest aux natifs anglois quĠappartient cette isle, 190
Ë Arthur, noble ours, appartient le throsne.
Viens donc, ambassadeur restif impertinent,
Emporte vers le Nord ces deux mots que jĠinscris,
[Il sort une dague]
Plume dĠacier, front blanc, parchemin, encre rouge :
Arthur Rex [183] ! 195
[Il grave les lettres sur le front
dĠAlexander]
Alexander Arrestez ! O mon Dieu, gens cruels, laschez moy !
Cumbria Calme toy, faux bourdon [184] et depuis nostre nid
DĠaigles emporte donc ces deux mots vers le Nord
Que ceste fouine [185] picte pourra lire loisir.
[Alexander] sort
Gloucester Nobles et turbulents Anglois, le roy demain 200
Amer, regrettera lĠintemperance [186] dĠhuy.
Nos affaires ne veulent de palefrois trainants :
Il faut cingler vos droicts tout au long du chemin :
Combien de ces vassaux, jurent quĠArthur est roy ?
Cumbria Nous jurons tous amour trs feal [187] Arthur. 205
Tous Nous le promettons tous. Ë Arthur ! Arthur roy !
Gloucester Vous allez couronner un prince, puis la guerre,
Et au loin, si patiente, optimiste, la paix.
Ils sortent [sauf Gloucester]
La fiere haste de Loth, fiert imprevoyante,
Charitable peut-estre, aura servi mon roy, 210
Et pri avec grace ces seigneurs discordants [188]
Ë pointer leurs espes conjugues vers le Nord.
Il sort
[Acte I,] scne 5
[Lieu : La cour royale, Londres]
[Entre] Arthur [couronn] solus
Arthur Voil que en dessoude [189] je suis devenu roy.
Il nĠest point de garson qui ne lĠaurait souhait :
Troquer jeux forestiers contre cette couronne.
Les grands joueurs de Londres parient dix contre un
QuĠencor cette couronne est pose sur sa teste, 5
Ou teste sur son cou, avant lĠest fini.
Ces chiffres me chatouillent ; je vais mander Gloucester
De jouer mille marks sur ma desconfiture.
Germains amoureux, Pictes du Nord ou bien de lĠEst,
SĠesbatent [190] aujourdĠhuy visiter ma cour, 10
Pour toucher mon chapeau icy sur mon fauteuil [191].
Cette chaize en bois parvient attirer
LĠambition forcene dĠhommes de peu dĠesprit.
Je me tiendray plus haut quĠeux ? CĠest impossible.
Je say nĠavoir point droict porter la couronne. 15
Le pape me dit roy, je ne peux contredire,
Mais les roys disent vray dans ce conseil priv :
De droict nĠay point, pas plus de droict que nĠen a Loth.
Bastard je suis, le fils dĠun cruel tyran doux.
Si peu royal, du fait dĠune humeur colere 20
Pendant ma conception, gentillesse absente,
Une mere force dans un lit sans amour,
Et sur ce lit defaict, mon roole [192], a-t-on dit,
Monstrueuse grossesse, a maudit ce pays
Que Dieu venge sans cesse par grande secheresse. 25
Que faire pour pallier un sort aussi honteux ?
Me faut-il aujourdĠhuy, l o est son tombeau,
Marquer mon dos de coups [193], pour venger Cornouailles ? 27a
Je suis usurpateur, condamn par mon pere.
O Arthur, ingrat, rustre, tu manque de courage !
Qui donc es-tu ainsi en juge solennel 30
De lui qui tĠa creez, qui lĠarrache ta mere,
DĠun coeur mespris [194] desnaiz [195] ton estre mecontent ?
Quel roy fut donc Uter pour creer un tel roy ?
Quel roy ? CĠest soubs ma peau que maintenant il vit.
JĠay son sang, son esprit, ses coulpes [196], ses pechs, 35
Sauf quĠil determina luy mesme son royaume,
Mais couronne passive est pose sur ma teste.
Cercle brillant ost de celle de mon pere :
NĠay-je en moi volont de revencher sa mort ?
Il fut assassin tandis que je tressais 40
Couronne pour le front dĠune jeune bergiere.
Ce circulet [197] pos, fut-elle un peu change ?
Non, non. La couronne ne fait pas roy de moy.
Quel roy ? Je ne serai ni sage, ni vaillant,
Mon royaume serait une rive, un bois, 45
Vaste infinit de ces soires dĠest.
Je parle neantmoins comme si jĠavois le chois.
Mais esgaye ton estre geignant ; coupe le doute !
[Il se regarde dans un miroir]
Viens, cherche dans lĠestain [198] : est-ce vision royale ?
De droict ou non, nous [199] sied fort bien cette coyfure. 50
Que vienne lĠennemy, personne ne peut dire
QuĠArthur a succomb avant lutte mort
Pour son bien, confer des levres de son pere.
Arthur sort
Acte II, scne 1
[Lieu : Les chenils royaux]
Entrent le Maistre des chiens et son aide
Maistre Eslev, soublev, me voicy haut. Rien moins que le pape lĠa dit, car anonant quĠArthur est roy, alors son duc des chenils est duc des chenils royaux, et tous ses chiens maintenant les chiens du roy, pas du prince. Le pape Rome le proclame, et voicy comment nous sommes tous maintenant transsubstassis [200]. Disons le aux beagles, bien quĠil soit possible quĠils ne me parlent plus, vu quĠils sont des beagles royaux maintenant, pas la mesme chose, pas du tout. Ils donnent pareille voix, mais le sens est alter. Et toy ! Fini le garson du maistre des chiens du prince. Tiens toy droict, garson, aussi haut que le garrot dĠun grand chien ! Tu sers maintenant le maistre des chiens du roy. Donne soufflets aux autres garsons autant que le coeur tĠen dit. 13
Garson Et ils ne me souffleteront plus ?
Maistre Et sĠils le font, dis leur que le pape les excommastiquera [201].
Garson On dit que le roy ne viendra plus voir les chiens, plus de temps pour la chasse. 18
Maistre Quand le roy avait ton aage, il passait toutes ses heures avecques moy, eschappait ses surveillants, venait de suite vers les chiens. Les cognoissoit tous, mesme leur nom, les appelait pour les mettre en lesse, apprenait leur donner le past [202]. Ç Altesse, que je lui disais, ils voudront que vous alliez vos leons È que je disais, mais non, je savais quĠil resterait. Ç Ou aux jouxtes, que je lui disais, la danse È, et le roy — qui nĠestait pas le roy, alors — le roy, quĠil me dit : Ç Si bon te semble È, il parle doux et boucle [203] leur pelage de ses doigts legers, Ç Si bon te semble, de ne pas me trahir, permets moy dĠaller voir Peritas, il souffre la patte, sa desmarche nĠest pas bonne. È Pas depuis maintes annes, mais jadis, il en savait plus que tu nĠas monstr, savait les faire abbayer ou ne pas piper voix dĠun seul mot. Ç Chantez, quĠil dit, et les voila qui chantent. Ç Chut, maintenant È, quĠil dit, et il nĠy a plus un bruit. Ç Chantez ! Chut ! Chantez ! Chut ! È Il pleurait quand un sanglier ou un ours faisait du mal lĠun des siens. 35
Garson Il verra bien pire maintenant, certain. Tout pour la guerre. Plus de temps pour les chiens.
Maistre Tout autre prince devient tout autre roy. Je dirais oui. Mais ce garson aimait ses chiens, aimait ses jeux. Et puis, tu vois, il ne peut sĠempescher dĠadmirer chaque jeune fille ou dame qui passe. Disons que voila un roy qui aime cela, aussi fort quĠun desbauch ou rufien [204], qui les debusque [205], les prefere toute bataille, soye certain. Voudrait laisser les guerres, nĠentend aucune joye de la noble balafre, des cris, des gobets de chair et des pluies de sang humain. Donne lui le chois, dis-je, il ira visiter sa gouge [206] pour plaisir de vie [207] puis enfilera son calesson [208], avant que de revenir icy, avecques nous, tu lĠy verras appeler le vieil Edgar et le vieux Lucius et caresser les longues oreilles de Socrate. Et nous tous, les autres, nous ferons comme fait le roy, et nĠaurons point besoin dĠaller en guerre. SĠil est le mesme garson, et pourquoy pas ? Qui me dit quĠil est dĠune autre espece maintenant ? Pour neant : une goutte dĠhuile et une couronne ne font pas dĠun homme une autre espece.
Garson Je ne sais, sire. On parle aussi de magie. 55
Maistre DĠun roitelet ne fais pas un laneret [209]. Le mesme garson que jĠay aim, le mesme. Il ne fera point la guerre quand on peut jouir de la paix.
Garson Les deux freres de ma mere sont piquiers dans la compagnie de sire David. 60
Maistre Un vaillant, aussi Gallois quĠon puisse lĠesperer, que Dieu le garde.
Garson Ma mere voudrait leurs mains siennes plus tost que de voir leurs bras trenchs ou haschs pour sire David.
Maistre Grand bien quĠelle puisse voir le toyaume accomod son seul plaisir. Vindras-tu mon garson ? Il nous faut distribuer la viande. Veux-tu tĠattargier [210] jamais ? 66
Ils sortent
Acte II, scne 2
[Lieu ]: sous les murs de York
Entrent le roy, ses nobles et son arme.
Canonnades
Arthur Les espez murs de York dominent, gris et froids,
Herisss de partout tel un grand porc-espic
De lances et quarreaux cherchant la chair angloise.
Tous mes amys anglois, anglois present freres,
Venez ma voix entendre, vierge appel aux armes, 5
Vous inciter, or point besoin dĠincitation,
Attiser au courroux lĠire de chevaliers
Qui sont ns gens de guerre avant que je ne naisse,
Vous mener l o vous avez desja saign,
Non pas moy. Quel roy est-ce, qui ainsi vous appelle ? 10
Si York est mon premier et mon dernier assaut,
Que personne ne dise : je ne fus fils dĠUter,
Ne tenois plus que luy ceste vie babiole.
Mais de nos ennemys, je dirois aultrement.
Qui nous attend ceans [211], Anglois sanguinaires, dites ? 15
LĠorgueil saxon suivit la mare du Humber [212]
Avant quĠil rĠaccouple la traistrise des Pictes
Pour se tapir, timide, espuis, et tremblant,
Par [213], hers [214] derriere les murailles de York,
Tels de jeunes belleudres [215] dans les jupes de leur mere 20
Quand viennent se venger ceux quĠils avoient faschs.
Mais Arthur est aux portes ! CĠest le poing de Bretagne
Qui frappe present les planches qui se brisent.
Si le sang des Anglois est comme vin aqueux [216],
Renguainnons nos espes, fuyons furtivement 25
La langue des Saxons descoulant de nos levres.
Serons nous envahis ? Ces mots : Absit omen [217].
Apprenons leur les termes de nos armes angloises,
Declinons, conjuguons des mots cruels — mais oh !
Canonnades
York soupire, supplie, voudrait nostre venue ! 30
NĠattendez plus, mes nobles, de la sauver, entrons,
Oncques puis les Saxons ne toucheront dĠAnglois !
Trompettes et canonnades. Ils sortent
[Acte II, scne 3]
[Lieu : La route de York Lincoln]
Entrent Mordred, Calvan et des armes
Mordred Diomedes aurait-il bondi sur Deinos [218] [219],
Pour amollir nos bras, calciner nos joues fieres,
Ce jour aurait est un peu moins desconfit [220]
QuĠapres tant de batailles contre le vil Arthur.
Si Arthur est le roy, nĠest chrestien ny beni : 5
Cruellement traita nostre ambassadeur
Ce dont jĠavais grand doute [221], mais ce fut suffisant
Pour pousser nostre pere mine plus guerriere,
Il depescha des forces pour se forcer York,
Pourtant nos fronts du Nord sont embus de honte ! 10
Cinq durs assauts mens contre le parvenu
Usurpateur et prince de bastardie angloise.
Je fis pleuvoir sur lui des coups dĠespe, de hache,
Et dessous la baviere [222] voicy que jĠentendis
La
joie dĠun gobelin [223]
ou dĠun garson rieur. 15
Calvan Tous ces vaillants du Sud prirent de luy leur coeur.
Ç Pour Arthur, George et Bretagne ! È crioient-ils,
Pas seule lĠAngleterre, mais aussi la Bretagne.
LĠescu escartel contient tous ses espoirs :
Le dragon gallois rouge prez les lions des Anglois, 20
Harpes des isles de lĠOuest jouent musique legere
Sur les champs de chardons de lĠEscosse [224].
Mordred Bannerets [225]
Et livres des chevaux teintes de vantardise !
Arthur, jeune Narcisse, repose sur son lit 25
Lors nous nous eschappons de York par la poterne [226].
Pourtant ces coups frapps aujourdĠhuy dans la ville
Ne sont quĠune obole de la dette sanglante,
Recolte sera faite Lincoln. Viens icy !
1er Messager Seigneur, quels ordres ? 30
Mordred Rends toy soubs les murs de Lincoln,
Colgerne y tient dix fois nostre arme en forces.
Seduisons lĠennemy avec nostre faiblesse,
Il nous suivra, ensuite, nous lui ferons surprise.
Signifie nostre haste, quĠil prenne par la ruse 35
La noblesse dĠArthur dans un beau traquenard [227].
[Le messager sort]
La mort arrachera le dyadesme [228] dĠArthur
Pour venir decorer la teste de mon pere.
Un autre, un autre messager !
2e messager Vostre grace ? 40
Mordred Ë bride avalle, va retrouver le roy
Des Pictes, ainsi que le roy des Escossois, 41a
Convie les descendre de leur nid montagneux,
Et ailes desployes voler jusquĠ Lincoln
Tester une couronne donne avec amour.
Va, va ! 45
[Le messager sort]
Et bien, Calvan, frere, prince dĠOrkney [229],
Dis tes capitaines : entre icy et l
Il ne faut laisser miete, ny goutte dĠeau mais pleurs
De ceux qui voudroient point nostre benevolence [230].
Sur la route Arthur ne trouvera ni son, 50
Ni vivres [231] les plus vils mascher en marchant,
Ë Lincoln, il pourra nestoyer dans le sang
Reves escartels quĠil mit sur son blason [232].
Ils sortent
[Acte II, scne 4]
[Lieu : LĠhostel de ville de York]
[Entrent] Arthur, Gloucester
Arthur Jamais je nĠaurois sceu quelle joye mĠattendois
Dez lĠaube apparue, ce matin, car moy seul
NĠavais jamais goust la feste de la guerre.
Si dĠautres gens que moy sembloient craintifs, peureux,
Gentil, je saluois [233], ainsin [234] je gambadois 5
Pour tous les gratuler [235], le Saxon, lĠEscossois,
Le Picte que jĠavois lĠheur de rencontrer l.
Je ne voy dĠautre sport meilleur que cestuy l.
Ce jour est mien !
Gloucester Il faut rendre grace Dieu. 10
Mais de pari ne prens pour la journe demain.
Arthur Ne veux tu pas poser tes livres sur mon bras [236] ?
Gloucester York estoit lĠAngleterre, et tous ses fils Arthur,
De Pluton [237] je jouerois tout lĠor, quelle que soit
La cote, pour dormir, mur pour cette victoire [238]. 15
Mais entre York paisible et le throsne des Pictes
Point nĠest prez [239] mais sentier escarp et abrupt.
Et tous ces fiers Saxons nĠont plus aucun vaisseaux,
Chacun dĠeux debvra bien se confier nos soins [240].
Arthur Ainsi est-ce conceu. 20
Entrent Somerset, Norfolk, Cumbria, Kent,
Derby
Bonne journe, mes freres !
Somerset Grand roy ! O toy le lion rampant et lĠempereur !
Cumbria Plus de repues sanglantes [241] reclame lĠestomac.
Moy, la coulevrine [242], avec les dents je tire.
Norfolk Majest, esbahis estions nous de vous voir ! 25
Quand le soir teinta pierres de York, je vacillois :
Dans les mares de sang dĠEscosse je glissoy,
Je tumboy cul sur pointe [243]. Deux lames de Saxons
Descendoient vers mon coeur, je crus ma fin venue.
Mais par ma foy, saint Georges alla ma rescousse, 30
Le sang picte teintoit son menton heriss,
La verdeur du bois dĠif [244] dans ses membres si souples,
Il single [245] le danger, et vient me relever,
Puis tournoyant, assaille droite et gauche.
Seigneur, avec amour, je plie ce vieux genou. 35
Cumbria LĠennemy est en fuite, o tournons nous nos forces ?
Arthur Mon nepveu [246] de Bretagne franoise, ce roy
JĠescrivis ; Constantine [247] [248], ce comte aussi,
Install par mon pere dans le pas cornique.
Je conviai leur presence au festin de Lincoln 40
Pour les y reschaufer ainsi que leurs armes
Dans les braises ambres [249] de la mutinerie,
Sur ces restes danser une estampie [250] royale.
Entre un messager
Quoy, garson ?
Messager Dieu preserve vostre majest. 45
Arthur Il me paroit enclin tĠescouter parler.
Messager LĠennemy, effray, en desarroy, dolent,
Fuit au sud, ses forces fondent dans la desbande.
Vos forces les harcellent, se mocquent de leur coeur.
Un enfant a ject plusieurs cailloux sur eux, 50
Et les Pictes tremblants sĠen fuyrent en terreur,
Abattus, pensoient-ils, par des canons rangs.
Arthur NĠattendons pas les forces de Petite Bretagne [251],
Hastons nous Lincoln interrompre ce conte.
Si le champ de Lincoln, de moiti et moiti, 55
Se comparoit York, il nous faut diligence
Pour ne pas le laisser aux frondes des gamins [252].
Seigneurs, disons deux heures et quittons le champ dĠYork.
Les nobles sortent [except
Gloucester]
Des affaires dĠestat, Duc, demandent en ville
Ma consideration encore quelque temps [253]. 60
Gloucester Un frein nostre marche, mon roy ?
Arthur Mais non, Gloucester.
Vistesse nos armes, nous nĠaurons rien sans peine.
Gloucester Des hommes vous suivront quand vous aurez fini.
Arthur Il nĠen est point besoing, mais je tĠen remercie. 65
Gloucester Ce jour a esmouc [254], Seigneur, mon peu dĠesprit.
Vous desirez rester, seul, en la ville de York ?
Arthur Oui.
Gloucester Me faut-il rester ?
Arthur Il nĠen est point besoing. 70
Gloucester Ë ces mots je vacille, cĠest simplement que jeÉ
Royaut toute neuve, ce que je voudroy direÉ
LĠestaler aussy viste — mais, pardon, mon royÉ
Soyez accomodant, mon amour desgorgeoit
Des limites accordes la langue de cour, 75
Mais ce ne peut pas estreÉ vous estiez un garson,
Apres la sainte onction, vous renaissez en roy.
Arthur De tes sages conseils amour te dit merci.
Gloucester La joy de mon esprit est de vous servir.
Arthur CĠest bien. CĠest bien. Besoing ay-je que tu commandes 80
Et diriges la chasse pour atteindre Lincoln.
Gloucester Mes mots nĠont-ils alors aval que leur queue ?
Arthur Va, entraisne nos armes furieuses. Prens grand garde
De nĠavancer plus viste que ne vont nos arrieres.
Les derniers rangs dĠarme sont toujours le talon [255]. 85
Gloucester Le corps, sĠil nĠa de teste, ne saura o aller
En voyant que le roy, de lĠestour [256] est absent.
CĠest bien trop tost apres vostre premier assaut.
Vos nobles sont deffiants et tousjours contredisent
Les ordres, ils refusent dĠobeir mon baston [257]. 90
Le rabl Cumbria et Norfolk lĠinsolent
Se soubmettront au roy mais pas au seneschal.
Arthur, vous nĠestes pas un homme mais un roy.
Dans chacun de vos actes, il faut vous occuper
Des soins de la nation, de lĠintention de Dieu 95
Pour ce troupeau, le vostre, dont vous avez la crosse.
Arthur Tu me monstres tres bien que je suis negligeant.
Tes mots qui me reschauffent ont seich le sentier
Que je peroy enfin dans les soulcis boueux.
Gloucester Seigneur, je suis heureux, avec humilit 100
De voir sa majest, et vous mon souverain
Prendre course plus sage quand elle est revele.
Arthur Pour reprimer les plaintes du commun et des nobles
Tu debvras revestir les armoiries du roy,
Mon armure, mon heaume, banniere, bouclier. 105
Sans parler, tous tes gestes, ils seront ceux dĠun roy,
Taciturne lors des maneuvres militaires,
Ta teste silencieuse desmeslant stratagemes.
Bien tost galoperois-je pour chevaucher a bas
Avec toy, le Humber laiss derriere moy. 110
Gloucester Quelle affaire notable peut retarder un roy
Cecy est deshonneur pour toy comme pour moy.
Arthur Plustost que langue, lisse sur ton front ces soulcis.
Si le royaume est ma preoccupation,
Il est permis au roy toujour dĠestre un homme. 115
Gloucester Je crains quĠicy, Seigneur, vous vous trompiez beaucoup.
Arthur A moy importe gueres, la male bosse [258] tĠemporte.
Chevauche en campagne sous un soleil dor
Pour contenter ces lords grinceux [259] qui ne desirent
QuĠune breve parade dĠasseurance royale 120
Reflecte sur lĠacier et un peu de cuir peint [260].
Et quand, devant Lincoln chanteront tant de flesches,
Elles chanteront pour moy, dans ma propre vesture.
Gloucester Escoute moy encor, mon enfant capricieux.
Arthur Point plus, duc de Gloucester, mais maintenant ton roy. 125
Et toy jĠaccorde de contredire les roys,
Le roy est cestuy-la qui tĠaccorde ce droict.
Tout doux, ton enfant, Duc, mais cĠest aussi ton roy.
Maintenant tu dois faire ce que jĠai donn charge.
Ils sortent
[Acte II, scne 5]
[Lieu : La route de Lincoln]
Entrent Denton, Sumner et Bell
Denton Beau parler chevauche le vent [261], dis-je. Quand ils desirent nos entrailles pour y farcir leur pudding, ils commencent par chanter Troye pour ce que nous aymerons dĠautant plus nos labeurs. 4
Bell JĠaccorde que York estoit ma premiere experience de la guerre. Jamais le sort ne mĠen a donn lĠoccasion jusques cette heure, je nĠestoy pas capable, mais ce que je vis dans les rues tortes [262] de York fait honte de tels discours.
Sumner Un nouveau guerrier, ho ! Et toutes les gloires tombent dans son giron. Et tu egale au roy ! Qui en eut son premier goust York. Vous estes vous tenus tous deux espaules touchantes ? 11
Bell Pourquoi ce visage renfroign ? Me suis-je vant ? Nenni. Je me suis avanc genouils [263] tremblants, il est vray. Mais ay-je fui ? Quand le dragon [264] crachoit du feu et que la canonnade [265] tonnoit, je restois ferme. JĠabattis deux Allemans, moy. JĠay soublev la barbiere [266] de lĠun quand je lĠai estendu sur lĠherbe. JĠay fait passer ma lame. Vray, comme cecy, simplement enfonce. Comme quand je voulois tuer des connils [267] avec mon frere, comme cecy, un peu, dur, mais pas si dur, la verit. Cela rentre doulcement. Je nĠavoy pas belle envie de regarder en face le connil, le moment venu. Pas dĠavantage de regarder ce grand bon homme jaune [268]. Il a dit quelque chose en saxon, je croy que cĠestait cela.
Denton Sans doute quĠil disoit seulement Ç Partez le coeur en paix È.
Bell Penses tu doncques ? 25
Sumner Ou bien Ç Donnez vous garde de tumber, vaillant soldat È.
Bell Il se peut, il se peut.
Sumner Quel genre dĠignave [269] es tu ? Faut il quĠon te mettoit lĠescole en parler saxon pour savoir quĠil demandoit mercy ou quĠil juroit sur son ame ou plourer son nouvel orphelin ou sa propre mere saxonne au pays des Saxons, qui est tres loing de York, te dis je, trop loing pour quĠon sĠy promene avec lĠespoir dĠestre accueilli courtoisement. As tu espoir quĠil tĠa pardonn ? Honores tu ta valeur ? Quels contes te chanter en oultre pour tĠendormir ! 35
Bell Pas de contes, mais je chanteroy ce que jĠay vu : les hommes regardent la mort en face avecq valeur et toutes les tenebres au del quand ils se battent pour leur roy.
Denton Courbe toy, garson, courbe la teste, ton compaignon de combat pied.
Gloucester en Arthur passe
Sumner Visiere baisse, tout en silence. 40
Denton Un fantosme, diroit on. JĠay connu bataille dĠabord avecq son pere. Tu aurois pu manger du beurre si jĠavoy march dans la cresme [270].
Sumner Mais cestuy-cy se bat comme son pere, rien en luy de peur. 44
Denton NĠest-il fait de chair ? Est-il fait dĠautre estoffe pour ne sentir lame peller sa peau ? Ses yeux sont-ils des agathes ? Ils ne se mollifient pas si une flesche les picque ? Ses os sont-ils si durs quĠils nĠesquillent pas la peau comme je le vis faire sur le bras de Nick Safe ? 48
Bell Pour quoy ces paroles ? Effrayer un homme avant que dĠeslancer dans la bataille, ce nĠest pas victoire, et nĠest pas pour nous aider en gaigner une. Tout imbecille peut dire le prix de la chair, mais ensuite aller de lĠavant, comme nostre roy va de lĠavant, il en fait une leon qui nĠest point de barragouiner quelque subtilit comme pour vider les entrailles dĠune arme avant la bataille. Plus grande corruption pourroit-elle estre respandue que celle du chancre dans le bled [271] ou la rose ? Tu pourrois estre un Saxon nous affoiblir ainsi le coeur. 57
Denton Une figue [272] pour tout ton bled et tes roses, mon garson.
Bell Ton haleine est puante au dedans. Une fleur couvriroit bien ta bouche edente et un mal pire. 60
Sumner Ceste puanteur est empruntez quelques amitis franoises, qui bruslent jour et nuit present, parties pour les baignoires poudre [273].
Denton Je vous apprendroy, tous deux, quelques mots saxons, fripons.
Bell Nul besoing de tes mots, couard, ny mon nez ne peut en supporter dĠavantage. 66
Trompettes
Sumner Tout doux, vous deux. Lincoln est devant nous et les trompettes sonnent.
Bell Apres York, ce ne sera rien. JĠay eu la chance dĠestre York. Ils me payeroient une pinte droite au PardĠs Head [274], si je peux raconter mon histoire. 71
Denton Encore un imbecille, un imbecille avant et apres, un imbecille de la griffe au bec. Tu te tiendras muet, pas toy qui racontes, toy, cestuy prez de toy raconte le conte et toy assis l muet comme un francolin pris [275] et pour commencer tu dis que ce nĠestoit pas ainsi, ce nĠestoit rien, et puis tu dis que tu ne veux point parler, quand le bruit sĠesleve pour une histoire, alors tu dis : Ç Doncques. Je mĠen vay vous dire comment cĠestoit York, mais ce nĠest conte que je puisse dire viste, etÉ È et tu attends un temps, tu tousses, et tu dis : Ç La gorge est seche. È Alors le vieux Francis leve grand la bonde pour un homme qui estoit York. 81
Trompettes
Bell CĠest la trompette de nostre compaignie. Aux murailles et mĠapprends plus tard de ceste science militaire.
Ils sortent
[Acte II, scne 6]
[Lieu : Lincoln]
Attaques et sorties, dont Gloucester dans
lĠarmure dĠArthur
Entrent Mordred, Calvan, Colgerne, nobles
pictes et escossois, soldats saxons
Mordred Garce bien diabolique enfanta ce daimon !
Arthur tient la bataille, indemne de blessures !
Homme il nĠest mais guerre mesme fondue sur nous
Afin de chercher ames pour leur donner la mort.
Nous ployons soubs ses charges, nostre coeur est bris ! 5
Colgerne Il nĠest pas Uter, luy : le fils est plus guerrier.
Il traque en silence, trache comme tranche.
Calvan Toujours arms, nos rangs ne sont pas enfoncs
Une voix suffirait rassembler nos forces
Pour rejecter lĠAnglois au sud de nos frontieres 10
Et hinser [276] les couleurs de Loth sur les murailles.
Vivement crie lĠattaque pour reprendre Lincoln.
Mordred Paroles de Calvan remplissent ma poitrine :
Hommes du Nord, allez ! Aux armes, lĠattaque !
CĠest dans le sang dĠArthur que je me laveroy, 15
La Bretagne ainsi me reviendra de droit !
Bretagne dsole, terre sanguinaire !
Attaques, ils sortent
[Acte II, scne 7]
[Lieu : Lincoln]
Attaques et sorties. Entrent Hbrides et
Gloucester, dans lĠarmure dĠArthur. Ils se battent. Hbrides est tu. Entrent
des nobles anglois
Norfolk LĠennemy honteux exhibe ses cuissots [277] !
Derby CĠest de Lincoln, pas York, que les langues angloises
Parleront si elles veulent conjurer la victoire.
La ville fortifie estoit bien defendue,
Quadruple ennemy cach nous menaoit [278], 5
Mais lĠoeil de lynx dĠArthur aperut une faille
QuĠil pera de son bras, en sanguinaire humeur.
Cumbria Gloucester, ceste bataille, la passa en repos.
Par cette chair altiere [279] de mes bras et visage,
Marque par tant dĠannes dans les guerres angloises, 10
Ce seneschal est lasche, cĠest un poltron indigne.
Somerset Mais tout doux, Cumbria, ne parle plus. Le roy
Nous prie de le laisser prier en solitaire.
Ils sortent
[Gloucester quitte son heaume et
sĠagenouille]
Gloucester Tromperie sur traistrise se rongent et sĠengraissent
Elles-mesmes, pour plus encore abuser. 15
CĠestoit tousjours ainsi, mais le nom de Gloucester
Est tout conchi [280], ainsi Arthur, nomm rameur [281],
Peut voler haut, avoir toute lĠestime du monde.
Ayans ferm les yeux sur ses mefaicts dĠenfant
LĠhabitude me serre plus fort, coupe ma chair, 20
Je neglige mesfaicts encore plus flagrants.
Quel royaume gagn en ce jour la guerre ?
Quel regne merit par tant de deshonneur ?
Entre Arthur en moine [282]
Arthur [En apart] Et voicy un miroir monstrant meilleur visage.
Ë eschine plus souple, si je savoy le faire, 25
Je fleschiroy genouil pour mes remerciements.
Si cestuy-cy pouvoit regner et en ma place,
Un vieux roy, resolu, qui agit prudemment.
Me plairoit fort de voir un roy devotieux
Comme luy dans les yeux de tous mes bons subjects. 30
Mais non.
Imparfaict le miroir dans le regard des autres
O cherchant la beaut dont jĠespere lĠimage,
Trouve formes brouilles, renverses, redresses,
Ne pouvant apaiser cet amour de moy-mesme. 35
Mais de penses plaisantes emplissons nostre esprit :
Coiffons le chapperon, de mon frere sanglant
[Il se dissimule sous son capuchon]
Glanons quelques nouvelles de Lincoln. — [Ë Gloucester] O mon roy !
Frere errant peut-il apaiser vostre ame ?
De terre et de sang vous estes encroustez, 40
Pourtant ame se lave, peut estre amende [283].
Gloucester Prestre, tu mĠas surpris, ma lame tĠeut pu percer.
Arthur Confesse, je tĠabsous, te renvoye la guerre
Ablu [284] et sans tache.
Gloucester Je dois cacher mon acte. 45
Mes pechs les plus noirs sont pechs partags,
Car mon conspirateur doit partager ma honte [285].
Et les roys ne chuchettent [286] quĠ lĠoreille des papes,
Ou de ton superieur, lĠevesque Caerleon.
Arthur Un ami, il est vray, et son evesch roide 50
Je visite souvent, a bas nous partageons
De poisson et de poires, puis nous faisons ripaille [287].
Gloucester Quel prestre peut le dire dĠun de ses superieurs ?
Ma lame tĠapprendra discours plus eslev.
[Il desguainne son espe]
Arthur Gloucester ! Ne tranche pas cette viande royale, 55
Ou attens, il nous faut changer de vestemens
De cette charbonne [288] tu pourrois aguiser
LĠappetit de vengeance de mes hommes vaillants.
Gloucester Arthur est donc rentr de York sain et gaillard
Et ne pense dĠabord quĠ se mocquer de moy ? 60
Arthur Tout doux, mettons chacun le vestemens de lĠautre,
[Ils eschangent leurs armures]
Ë chacun sa vesture, chacun sa contenance.
Gloucester Vostre sejour York, o roy, fut-il plaisant,
Justifiant vostre absence de ce champ de bataille ?
Arthur Mon bon duc, nĠoublie pas de me rendre mon heaume, 65
Les soldats vont mesprendre ma teste pour la tienne.
Gloucester Si suis chaise perce [289], o roy, asseoyez vous.
Vous accueillez si mal mes conseils, Majest.
Arthur Je les fixe sur moi, le matin et le soir.
Personne dĠautre que toi ne throsne dans mon coeur. 70
Gloucester Escoutez mes paroles. Bataille fut gagneÉ
Arthur Si joyeuses nouvelles, duc, resjouissent ce coeur.
Gloucester Desloyaut flagrante remporta la victoire.
Vos gens se croient mens par vous dans ce combat.
Arthur Et sĠils le croient ainsi, alors, je lĠay men [290]. 75
Apres metamorphose de prestre un roy,
[Les nobles entrent avecques des
prisonniers, parmi lesquels Mordred, Calvan et Colgerne]
Nous saluons nos hommes avec leurs prisonniersÉ
Qui doncques sont vos hostes, mes chevaliers anglois ?
Cumbria Ces balots [291] sont la disme [292] de la grande recolte.
Leur destin en ce monde, ils lĠattendent de vous, 80
Et nous nostre fortune selon vostre verdict. —
Salut toy, Gloucester ! Tu viens en fin de jour
Toiser nos prisonniers de ton bel air martial.
Arthur Puissants lords de Bretagne, vos armes ont rendu
Une paix extirpe lĠisle de nos peres. 85
Tous Longue vie Arthur ! Que vive la Bretagne !
Arthur Depuis quarante annes ces gredins empoisonnent
Du Nord et de la mer nostre terre blesse,
Leurs pas ont ecraz nos biens et nos recoltes,
Eglises et bestail, bled dor dĠAngleterre. 90
Sur leur mine morose je porte mon regard,
Saxons, Pictes frondeurs, rebelles Escossois.
Un souffle suffiroit pour que nostre nature
Mouille nouveau de sang ce sol dessech.
O, Anglois ! En est-il un seul parmi vous 95
Qui ne se vengerait sur un vil Escossois
Des aspres cris dĠenfants quĠils ont assassins ?
Quelles joies nĠont-ils pas arraches de chez nous ?
Ma jeunesse, mon pere, de mesme un royaume :
Tant de choses perdues et depuis si long temps 100
QuĠon voudroit massacrer cette meute punaise [293].
Roy consacr, je reste egalement un homme,
Un homme qui desire du sang pour se venger.
Tous Tuez les tous, alors ! Tuez les tous, Arthur !
Arthur Mais ces souris rampantes ont elles assez de sang 105
Pour estancher la soif et pour nous refroidir ?
Ou bien leurs cris ne peuvent satisfaire nos haines,
Mais nourrissent et gonflent le desir de la haine,
JusquĠ ce que leurs meres, orphelins et veuves,
En hurlant nous maudissent et invoquent leurs dieux, 110
Reclament notre sang pour essuyer leurs larmes ?
Personne nĠest si vif tailler la chair tendre
Que moy, qui les regarde et me saoule de haine.
Mais har jamais est malediction,
Qui donc frappa mon pere et en roy le tua. 115
Comme des escrouelles guarit toucher royal [294],
Il peut changer tres viste, changer haine en amour,
Et sur le champ chasser lĠhiver de nostre isle,
Recueillir de la paix le fruit.
Cumbria [En apart] QuĠentends je donc ? 120
Arthur Que Colgerne, vassal huy du roy de Bretagne,
Parte avec ses hommes pour les terres allemandes
Sans nul delay quĠils sachent quĠils mourront si jamais
Ils reviennent icy.
Cumbria [En apart] Ay je perdu lĠesprit ? 125
Arthur La familiarit engendre le mespris [295] ;
Esloingni, un amour entre nous peut sĠaccroistre ;
Par lĠexemple anglois de la misericorde
Les Saxons pourroient prendre nostre Dieu. Rejects
Des greves de Lincoln, du royaume partis. 130
Gloucester Vous garderez, je sais, quelques uns en otage,
Et ne refuserez leur prise vos soldats.
Arthur JĠay telle intention, precisement, mon duc. —
Mordred, tu as pari la couronne du pere,
Mais chance en tournant lĠa donne aux meilleurs. 135
Chez les Pictes rends toy pour ramener ton pere
Et presser dans la cire, garson, de sa mmoire,
QuĠil dirige ses Pictes par bon vouloir dĠArthur.
Pour monstrer tout lĠamour que je luy veux porter,
Nous garderons Calvan, plus jeune de ses fils, 140
Et le banquetterons dans nostre Tour de Londres.
Ils sortent, manet [296] Cumbria
Cumbria Son pere gagna il une telle victoire ?
Dissipa il jamais une chose pareille ?
Dans son poing agrapper lĠennemy avec force,
Negligemment ensuite, les lascher pour se battre ? 145
Ce grand coque-dandin [297] ! Bediau [298] qui prie lĠamour,
Ne nous aymoit pourtant et ne prescha ranon.
Gloucester, armure claire [299], le luy a rappel ;
Conseil guerrier dĠun homme qui escheva la guerre !
Qui peut fermer les yeux sur tant de couardise 150
Tenir compte des ruses quĠil lui a proposes ?
Aucun serment nĠadhere un si pietre roy,
Si ce nĠest mon amour pour son pere poisonn.
Il sort
[Acte II, scne 8]
[Lieu : Le camp dĠArthur Lincoln]
Entrent Arthur, Gloucester, des serviteurs,
des messagers
Arthur LĠestude recente de toute la Bretagne
Nous monstre un pas ravag par la guerre,
Estropiez par la faim, delaiss par la loi.
Les pestes et famines regnent dans nos marchs,
LĠaustour [300] est souverain dĠun royaume de mort 5
L o Arthur voudroit une plus douce cour.
Un deffi meritant pour un roy tel que moy.
Uter jadis ne vit jamais ce que je vois
Que la gloire dĠun roy est mise en balance
Ë la prosperit dont jouit son royaume. 10
Voyez Arthur chasser penurie et disette,
Guerres et maladies, partout sur son demaine 11a
Comme plate cousture il battit lĠEscossois.
Quelles villes ont du bled, le soustien de la guerre ?
Que fixent les offices ma loi dans les comts [301].
Un fort dans chaque port et frontiere du Nord. 15
Entre Constantine [Cornwall [302]]
Mon cher et bon Cornwall ! Debout que je tĠembrasse !
Cornwall Mon roy, avec amour je viens vous apporter
Cinq mille lames fines venues de Cornouailles.
Arthur Encore, encore, embrasse moy, Constantine, brave Cornwall [303] ! Maintenant, aide moy me souvenir, mon ami : quand estions nous ensemble pour la derniere fois ? 21
Cornwall Dans le Gloucestershire. Nos peres vivaient et nous passions chaque jour nager et courir. Toujours tu estois le meilleur.
Arthur Et toy, pour un assortiment celeste, estois toujours second. 25
Cumbria Tristement vray.
Arthur Et quand tu estois le roy des forests et que jĠestois roy des eaux, ou moy le roy des forests et toy des eaux, nostre passe temps estoit de faire de nobles actions pour la princesse des fleurs. Comment se porte ta douce soeur ? Toujours dĠhumeur plaisante, la petite fille qui nous nous efforcions [304] de faire plaisir. 33
Cornwall Elle nĠest plus une petite fille, mais demande en toute humilit estre rappele ton souvenir.
Arthur Je nĠay plus souvenir dĠhumilit chez elle.
Cornwall Ton esprit [305] est royalement penetrant. Mais tu pourras observer sa metamorphose, car elle vient se joindre nous cet apres disne. CĠestoit sa volont, et sa volont est hors les gonds de la mienne. 40
Arthur De ma jeunesse tu estois la joy, bon comte,
Je veux sur ceste plaine fertile te jurer
Que toy et moy serons toujours inseparables.
Cornwall Vous treuvez ceste plaine ravage, deschire
Par la guerre, si riche en champs et pasturages ?
Arthur Ah, Cornwall ! Disparu nostre fier ennemy. 45
Icy, dans ce terreau, sont semences de paix.
Entre un messager
Panique dans ces yeux, je le voy. — QuĠy a il ?
Messager Comme estoit demand, mon roy, dans le trait,
Les Saxons embarquerent des costes de Lincoln.
Mais bien tost vent contraire les repoussa chez nous. 50
Pour leurs prestres sĠestait acte beni des dieux.
Encor ils debarquerent le long de nostre coste,
Indignement foulerent le sable de nos plages.
Fouillant de leurs regards moissons, esglises et or,
Tuent nos compatriotes et bruslent le pays. 55
Arthur O Dieu ! Autant de mespris estait-il necessaire ?
Pourquoi tant dĠinfamie ? QuĠay je donc provoqu ?
Quel prince arrogant et oisif suis je donc ?
Ma folle et tendre jeunesse, qui sĠy est oppos ?
Il faut me mepriser pour ma vaine clemence. 60
Absentes sont moqueries ! O prince ensucr,
Haridelle [306] testue quĠil faut esperonner !
Ceux qui me jugent faible doivent estre nomms
Membres de mon conseil tres priv. — O sont-ils ?
Messager Prez de Bath. 65
Arthur Nous les serrerons avant le bain [307].
Ce crime mĠa touch ; je suis comme la poudre.
Mon message maintenant : le pacte de clemence
Est rompu ; des otages il faut couper la gorge.
Gloucester Les nouvelles ne parlent que perfidie saxonne, 70
Ni picte ni dĠEscosse est ceste trahison.
Un peu de reflexion, je tĠen prie, roy Arthur. 71a
Arthur Finie la compassion, plus de tendre piti. —
Le messager sort
Mes hommes, nostre tasche, sanglante, nĠest pas finie
Suivez moy, desguainnez vostre lame recente
Expediez lĠennemy aux ombres demoniacles. 75
Ils sortent
[Acte II, scne 9]
[Lieu : La cour picte]
Entrent Docteur et Conranus,
Docteur Ë tous mes escrits jĠay soubmis le roy Loth,
Au bon sens, lĠespoir, invention, fantaisie,
Balsamo [308] et sangsues, et pastes, et coupures.
Cependant il chancelle, pourtant sa vie sĠescoule.
Par toutes les issues, mon roy, il sĠaffoiblit. 5
Entre Mordred avecques sa suite
Conranus Le prince et son escorte reviennent de la guerre,
Seurement il desire lĠoreille de son pere.
Va voir sĠil peut avoir audience maintenant. —
Le docteur sort
Bon Mordred, duc, icy tu nous as bien manqu.
Mordred JĠapporte nouvelles de noble mort guerriere : 10
Les thanes [309] de Moray et Bute, Linlithgow
Et Douglas en birlinns [310] jusques Colmekill [311].
Conranus Des pertes aussi lourdes, lĠargument si leger.
Mordred Vrayment leger, mon oncle ? La couronne ? Le throsne ?
Un royaume vol nĠirrite pas ta bile ? 15
Un tyran qui menace ton pas et ton clan [312] ?
Qui ambasse torture, qui deteste la paix
Et voudroit joug dĠacier pour Escossois et Pictes ?
Conranus Tu as dit la cour que ce prince estait faible ;
Il nous laissoit en paix avant que tu le mordes 20
Comme un chien un ours et maintenant tu pleures,
Ayant appris la force emoulue [313] de ses griffes.
Tu estais impatient de volont divine,
Si Dieu te vouloit donc sur le throsne de Londres,
Serois tu donc venu annoncer quatre morts ? 25
Mordred JĠay lutt Lincoln, roy, aupres de ton fils.
Conranus Plus un mot de ta part ! Mon fils est il icy ?
Est il ton service ? Est il en ma presence ?
Mordred Hbrides estoit brave, se battait vaillamment.
Ë cheval et piedÉ 30
Conranus Je ne veux plus tĠentendre.
Mordred Il faudra bien graver les exploits de lĠEscosse !
Ton chagrin vient avant dĠadmirer sa valeur !
Conranus Aies mercy de mon ame, car elle est eschauffe.
Mordred Toi, un homme ? Ouvre tes oreilles peureuses : 35
Et ta langue pourra apprendre nobles mots.
Car Dieu, pour nostre cause, qui nous fait travailler,
Veut chaque mort loue comme un sacrifice,
Une necessit, preuve de nostre droict.
Les cousts de Son project il ne faut pas pleurer 40
Mais celebrer le sang qui plus bien nous esleve.
[Entre Loth, avecques le Docteur, port par
des hommes]
Que rougisse ton coeur, poltron ; voicy mon pere. —
[Ë Loth] Mon bon roy, vous devez vous preparer de suite.
Je seroy bref : Calvan voudroit que nous venions
JusquĠ la Tour de Londres, le ramener chez nous 45
Du fait de quelques mots de tres peu de valeur
QuĠArthur lui adressa il y a peu [314].
LĠheure de nostre force va surgir nouveau :
Retrouver lĠavantage pour un nouveau conflit.
Docteur Prince, lĠapoplexie de vostre pere entrave 50
Voyage plus lointain que du chasteau la porte
[Loth fait un bruit ou un geste]
Mordred Quoi ? Parle il ? Docteur, explique moy ces signes.
Ou bien me voudroit il plus pres de son oreille ?
Docteur Confus sont par moments ses mots et impossible,
Je le crains, de toujours en comprendre le sens. 55
Entre le premier messager
Conranus Viste !
1er Msg Les Saxons ont abjur leur caution,
Repartis
en campagne, ils font siege Bath.
Mordred Colgerne ?
1er Msg CĠest bien lui. 60
Mordred Ë lui donc lĠopprobre.
Mais sĠil frappe le nez de cet usurpateur,
Cela devient la voiz de la response de Dieu
Au blaspheme dĠArthur, qui nĠa point de limite.
Mais nous devrons payer pour Calvan par nos mots. 65
Entre un messager avecques un sac
Nouvelles et mare pressent encor et encor
Sur nos costes si belles. Quelles joviales paroles ?
Le bastard est tu ? Les Saxons la mer ?
Ce combat ne pourra, pour moy, que bien finir,
Desfaicte de lĠun ou de lĠautre ennemy. 70
Toy, mon bon, tu ne peux que me faire plaisir.
2e Msg Paroles que jĠapporte ne sont pas tres heureuses.
Je nĠose pas parler.
Mordred Choisis, parle ou meurs.
2e Msg Je parle et je meurs, ou je meurs en silence. 75
Mordred Ainsi vivons nous tous. Maintenant, parle donc.
2e Msg La trahison saxonne fut rapporte au royÉ
Mordred Quel roy ?
2e Msg Le roy Arthur, Seigneur.
Mordred Ne dis Ç le roy È 80
Car il nĠest point le roy, ou alors pour un jour.
Tu dois dire Ç bastard È ou Ç porc usurpateur È.
2e Msg La trahison saxonne fut rapporte au porc,
Il fit mettre mort ranonns en attente.
Mordred Dis plustost Ç les Saxons ranonns en attente È. 85
Car parjure estait des Saxons, pas de nous.
2e Msg Ë dire vray, cecy, je ne peux pas le dire.
Son ordre fut, Seigneur, pour tous les ranonns,
Et pris dĠun accez [315] dĠire, luy-mesme massacra
Un homme. 90
Mordred Il eust mieux valu garder ta langue.
Conranus Non, non, parle, parle.
2e Msg En honneur son rang
Il offrit Calvan espe et libert
SĠil pouvoit le vaincre en combat singulier. 95
Mordred Cesse.
2e Msg DĠune passion enrage fut pris le roy Arthur.
Mordred Cesse, messager, dis-je ! Cesse, ne parle plus !
2e Msg Il frappa vostre frere et empoigna ses boucles
Puis par ses cheveux le tira en arriere. 100
Sur la face dĠArthur : la haine du demon.
Il vous envoye sa teste et son espe brise
Dans ce sac et me prie de vous direÉ
Mordred Assez !
[Mordred] tue le messager
2e Msg Je te maudis, scelerat, toy et tous les tiens [316] ! 105
Conranus Comment, neveu ? Le deuil nĠest plus tien, plus un mot ?
Ton coeur parlait bravade, present est glac.
O donc ton appetit pour la chronique nostre ?
Mordred Tu mĠassenes moy des reproches congrus [317].
Escoute mon discours, sĠil est viril pour toy 110
Et pour ce chiot bastard qui aguise sa soif
Du sang le plus parfait [318].
Il ouvre le sac
O Calvan, frere, prince ! Garson assassin !
Docteur Moins fort. Ces mots referment la gorge du roy Loth.
Ce raale [319] est parole inepte [320] dĠun mourant. 115
Mordred Un vil roi de papier, un cheval de brasseur [321],
Non, sire, non, Arthur ne peut regner icy
Tant que la rebellion anime vostre souffle. 117a
Mais doucement, mon roy, le seul fils de mon pere
Vous prie de ne ceder la mort imperieuse.
Je ne peux maintenant perdre mon pere [322]. 120
Tu veux parler encor ? JĠapproche mon oreille.
[Il se penche tout pres de Loth]
Encore et toujours, je le jure, mon pere.
Tout sera faict selon vos ordres exprims. —
[Aux serviteurs] Dans sa propre chapelle portez le confes,
Pour son ame lisez les strophes qui conviennent. 125
[Tous sortent exept Mordred et
Conranus]
Conranus Comme ce roy mourant se montra grand bavard !
Mordred Mais surement ses mots, tous les ont embibs [323] ?
Conranus De luy, rien entendu : tu bastis sur le vuide [324].
Mordred Ne faut perdre de temps en pleurs, mĠa il dit,
Mais avec jazerenc [325] et couronne brillante, 130
Recevoir ton serment dĠallegeance, et plus :
Je seroy lĠheritier dĠEscosse ; ta mort
Seront unis nos deux royaumes, Dieu le veult.
Nos forces restablies, remplir dĠArthur la tombe.
Conranus De tout cela le roy, mourant, tĠa donc charg ? 135
Mordred Cela, et plus encore, peut-estre.
Conranus Il est rare
Certes, mais fort possible, quĠun mourant soit loquace.
De ma mort parla il avec ceste urgence ?
Mordred Une mort naturelle mais lointaine. La sienne 140
Est proche. Prez de luy, allons le conforter.
Ils sortent
Acte III, scne 1
[Lieu : La cour Londres]
Entrent Gloucester et lĠAmbassadeur de
France, serviteurs
Ambass. Mon duc de Glouceustayre [326], mon king vous envoie
Tout son amour royal et il salue Arthur [327].
Gloucester Nous vous remercions, et le roy Childebert
Qui apporta la paix et la douceur en France.
Ambass. Mais en quelques annes vostre Arthur deffit 5
Les Saxons sur les vagues de la mer allemande [328].
AujourdĠhuy les rebelles vaincus implorent Dieu :
Ç Ayant est soumis, qui nous dfend ? Helas ! È
Arthur promulguera des lois pour son royaume
Les arts et les vertus seront des plus prosperes. 10
Des revolteurs pourtant se font entendre
Ainsi que des sauvages qui nĠaiment pas Jesus
Mais aiment des faux dieux dont les pieds sont fourchus.
JĠay le coeur attrist de vous dire ces mots :
Jamais le roy Arthur, seul, ne pourra avoir 15
Armes et grand tresor pour faire tout ce quĠil veut.
De mesme il lui faut en oultre des amys.
Gloucester Seigneur, de tout cela nous sommes bien dĠaccord.
Ambass. Et la France sait estre une amie si aimante !
Mon roy, de lĠamiti, voudroit une ceincture 20
Pour unir par des liens serrs luy et Arthur,
Tous deux unis seroient des pays plus puissants.
Nostre roy possede fille, toute jeune et belle,
Ë donner et marier Arthur comme reine,
Il sera heritier ainsin pour Childebert ! 25
JĠapporte le portrait couvert de ceste dame [329],
QuĠArthur peut admirer pour tomber amoureux.
Icy des lettres quĠelle escrivit pour le roy,
Il lui donne des lettres
Dans lesquelles elle fait expression tres sincere.
Gloucester QuĠavec attention, il lira au plus tost. 30
Sire, je reviendroy vers vous aussi tost que possible,
Attendez un moment dans la salle a bas.
Ambass. Merci, bon duc. Je pense ce mariage fort bon.
Gloucester SĠil ne tenoit quĠ nous, ce seroit chose faicte.
LĠAmbassadeur sort
Si tous les bons conseils estoient ous des seigneurs 35
Prospereroient fort bien les royaumes du monde. —
Entre Arthur
Majest, je vous prie, encor une fois un mot.
Arthur Gloucester ! Voye je dans lĠombre sĠapprocher Cupidon ?
Plus ne veux de grande duchesse florentine,
Plus de fille de doge, dĠinfante espaignole. 40
Plus de lucubrations, seigneur, je nĠen veux plus,
Et demande respit dĠhistoires de mariage,
Un jour, une semaine, pour fester nos victoires,
Tu pourras par la suite me parler selon toi [330].
Gloucester Trois fois beni, mon roi, Lincoln, York et Bath. 45
Mariage aujourdĠhuy apportera la paix.
Prosperit demande enormement dĠargent.
Le roy de France fait de vous son heritier !
Arthur Comment te semble elle, la princesse franoise ?
Gloucester Je nĠay que la parole, lĠimage envoye 50
Encore recouverte, attendant un regard.
Elle nĠest point repoussante.
Arthur Sauvegarde mon ame [331].
Apres telles louanges, il nĠest point de mepris.
Gloucester Vous verrez dans ces lettres tout son temperament. 55
Arthur Je nĠen veux point du tout, le franois ne le lis.
Gloucester LĠespaignol, lĠitalien non plus, roy, je le sais.
Exercez vostre langue: vous apprendriez viste.
Il suffit dĠun seul mot prononcer : un Ç oui È.
Arthur Si elles mĠayment tant, lĠanglois pourraient apprendre. 60
Les princesses dĠailleurs nĠapprennent elles jamais ?
Gloucester Mon roy, je vous en prie, escoutez moy un peu.
Ë royaume heureux il faut une main stable,
Un nocher [332] dans les vagues, la peur et les tempestes,
Quand la mer fait frayeur de ces doigts gras tortus [333] 65
Aux marins gemissants qui glissent sur le pont.
Arthur Moins de perorasions [334], Gloucester. Frappe le but.
Gloucester Il faut tenir bien droict vostre sceptre royal
QuĠ chaque vent contraire on ne le voye baller [335].
Arthur Ma teste couronne ne veut de synecdoques [336]. 70
Gloucester Vexations et caprices, mon roy, chauffent trop le pays,
Car ceux qui nous dirigent doivent estre mens
Par des humeurs plus froides, non par passion bruslante.
LĠhymen espargne aux hommes tous leurs desirs sauvages :
Leur cholere decline, ils gardent tout leur calme. 75
Arthur LĠestat que tu depeins est affreux, Cupidon.
Et si je ne plais pas tellement la dame ?
Gloucester Cela arrive.
Arthur Tu es bien trop cruel.
Gloucester Il arrive parfois que lĠaffection surgisse. 80
Tout comme lĠautomne les amants ne sont plus
Les amants qui sĠestoient espouss au printemps.
Avec le temps, fond commun est trouv, la femme
Et le mari sĠallient pour faire une guerre
QuĠils ne peuvent gagner, neantmoins sont contents 85
De se battre ensemble.
Arthur Une lecture fort noble.
Donne moy un moment afin de decider,
Si, comme tu me lĠenseignes, ligue avec la France,
Assure par une dame, invisible, point laide, 90
Seroit le meilleur sort pour le roy, la Bretagne.
Gloucester Avec plaisir. Je mĠabsente un instant.
Arthur Merci, duc.
Gloucester sort
Je suis pris dĠune peur bien pire quĠau combat.
Dois je lĠexaminer, soulever ce couvercle ? 95
Ce que jĠobserverai peut ne pas estre vray
Car les peintres royaux gagnent en omettant.
Ouvre le couvercle
Ç Bonjour ma Princesse. È CĠest l tout mon franois.
Cela suffira il garder le bonheur
De toutes ces heures longues, matrimoniales ? 100
Ç Bonjour ma Princesse. Ë un roy il faut reine.
Que me respondez vous ? Aymable suis-je donc ?
Il nous faudra passer tous nos jours et nos nuicts
En compagnie muette de chacun dĠentre nous
En attendant que lĠun montre misericorde, 105
Que mort il laisse lĠautre dans une douce paix. È
Peut-estre me faut il louer ses qualits.
Ç Dans le bleu de vos yeux jĠentrĠaperois lĠimage
Des navires de France ma disposition.
Soleil nĠa pas plus dĠor que vostre chevelure, 110
Rappel de ce tresor et de vostre fortune.
Comme jĠaymeroye serrer et choyer soubs mes mains
Doux et tendres Franois si aisement taxs. È
Mais je devroy plustost gouster ce quĠelle escrit :
Il lit
Ç Celebres, heroques actions du grand Arthur. È 115
Elle escrit tres bien. Ç Vostre amie, Matilde. È
Elle a tout pos, selon les circonstances.
Matilde, Matilde. Ainsi soit il [337].
Cela se fera donc, cĠest juste dit Gloucester.
Je vais le rappeler pour tout interiner [338]. 120
Traistres levres, pourquoi ce silence soudain ?
Appelle le, couard ! Appelle le ! Courage !
Entrent Constantine et Guenhera
O, quel soulagement, frere, de voir tes yeux !
Tu peux me delivrer par ta seule presence
Et ton esprit icy, des affaires dĠestat. 125
Cornwall Icy je resteroy tant que tu me voudras.
Arthur Quelle dame te suit avec des soins si doux ?
Guenhera Une dame que j nommas crapaud visqueux,
Espagneul, ton ombre, moy, lĠimportune.
Arthur Crapaud visqueux ? Mensonge ! Je ne pourroy le croire, 130
Ny en toy recognoistre Guenhera qui jectoit
Des charmes sur nous tous, a bas en Gloucestershire.
Guenhera Des charmes ? Ha, mon roy, NĠas tu aucune honte ?
Depuis longues annes les pommes me font peur,
Car elles me rappellent la douleur dĠautrefois 135
De celles qui frappoient ma teste chaque fois
Que tu les envoyois pour ton amusement.
Arthur Si jĠestoy coquelet [339] il me faut avoir honte
De mĠestre comport si peu courtoisement.
Guenhera Peut-estre nĠay je pas toujours tres bien agi, 140
De maniere vrayment convenable pour moy.
En verit je crains que parfait chevalier
NĠauroit pu que lancer sur moy une pippin [340].
Arthur Je suis fort estonnoye de voir que ce soit toy,
Forme prise aux brumes dĠun profond souvenir 145
Et transforme ainsi en forme tres reelle,
Tu es tout la fois change et inchange. 146a
Le travail et les arts dĠun grand sorcier, le temps !
Ë la fois plus parfaite de ces dames — aussi
En toi, comme derriere le masque que tu portes —
AujourdĠhuy jĠaperoy une fille — estrange, 150
Je me sens devenu un garson qui se tient
Devant toy et qui feint dĠestre devenu roy.
Guenhera Je fuirai au cas o tu deviendroy garson
Et que pommes sauvages se mettroient voler.
Cornwall Mais voici que tu es vray barnache, ma Guen : 155
Le roy a des affaires pressantes regler.
Guenhera De luy jĠentendoy plainte, ainsi je le sauroy
Car jĠavoy, disoit il, dĠun chien lĠoreille longue.
Arthur Accusations sans fin ! NĠa elle pas de mercy ?
Des crimes de jeunesse, chaque iota not ? 160
Guenhera LĠacte dĠaccusation est grav dans mon coeur.
Arthur Les affaires dĠestat alors devront attendre
Pour regler ma defense et plaider la clemence.
Guenhera Inutile, espere la source eternelle [341].
Cornwall Roy, si ne vous ennuye ma soeur, aux escuiries 165
Il faut que je me rende, consulter lĠescuyer :
Je crains que mon cheval ne souffre dĠoestre [342].
arthur Cong
Te donne pour soigner ton coursier, si tu jures,
Comte, de festoyer ce soir en ma presence. 170
Cornwall Oui, vostre majest, je jure sur ma mort.
Guenhera Me trouves tu change depuis la fois derniere ?
arthur En paroles ne peux mes penses ordonner.
Guenhera Tu nĠas donc pas chang du garson des forests
Que, immuablement, jĠaymoy ? 175
arthur Ay je chang ?
Mais je porte present le costume dĠun roy.
Guenhera Ainsi te conduisois ces jours, les meilleurs.
arthur CĠest vray, je mĠhabilloy souvent en ancien roy,
Cesar, Solon, Saul, le roy hebreu David. 180
Ces atours aujourdĠhuy me vont ils aussi bien ?
Guenhera Ny plus, ny moins. Parfaict je te trouvoy en roy
Dans les bois de Gloucester, quand regnant de ta branche
Tu mĠenvoyois chaque jour la mort.
arthur Dis non. 185
Guenhera Mais si.
arthur JĠestoy tyran, et jĠestoy imbecille.
Il me faut du pipeau, plus de tambours, de fiffres [343].
Attends, nĠas tu pas dit que ce roy, tu lĠaimois ?
Guenhera Si. 190
arthur Tu ne lĠaymes plus ? QuĠest cet amour qui j
Te chantoit quand jĠestoy couronn de brindilles
Mais tĠestrangle quand lĠor enrichit ma couronne ?
Guenhera Ce roy sylvain jamais ne rendoit mon amour,
Souviens toy quĠil mĠavait bannie de sa presence, 195
Me pria le laisser avec lĠamy, mon frere,
Constantine estant precieux pour ceste cour.
arthur CĠestoit roy bien maussade que cet enfant despote.
JĠaymeroy tant franchir les douves du temps
Et poser une main sur cet enfant obtus 200
Pour luy dire dĠaymer ceste belle nymphe.
Non, jamais ne diroy que jĠestoy ce garson,
Car estoy je rest un seul jour avec toy,
Et lĠamour le theme de nostre argument,
Seurement en nature [344] je tĠauroy repondu 205
Et tĠauroy offert, Guen, ma tendre affection.
Selon toy ce garson forestier ne le fit,
Comment peut il pretendre estre qui je suis ?
Et pourtant, sĠil nĠestoit pas moy, puis je avoir
Espoir que tu pourras encor mĠoffrir ton coeur ? 210
Guenhera Quoi, quoi ? Singerois tu lĠamour pour moi, o roy ?
Faire fi dĠun coeur commun, privilege de roy ?
arthur De singerie je nĠay que celle de moy-mesme :
Ny pote, ma Guen, ny non plus orateur,
Ma langue se desfait quand cherche des mots neufs 215
Pour serrer ta beaut en plus longues penses.
Ay trop long temps us langue que je cognoy,
Tel farceur [345] enrou de ses preparatifs,
Ou bien un voyageur sur la coste africaine,
Estonn devant tant de choses inconnues, 220
Ayant brusl ses mots en un pas plus morne.
Que puis je exprimer qui ailleurs ne fut faux ?
DĠailleurs, je poetise sur tous ces beaux spectacles,
Mais je sais que tu es erudite en ces themes,
Tres exerce en science des voies de la beaut. 225
Au miroir a appris tous les champs et les monts :
Je ne pourroy te vaincre dans la geographie
Des costes miroitantes de ton propre royaume.
Guenhera Ains [346] suis je Vanit dans ton imagination ?
arthur Il nĠest de saint qui puisse resister ce pech 230
Quand miroirs sont emplis richement de ces mesmes
Tentations. Que tu mĠaymes encor tu dois le dire.
Guenhera Les roys parlent dĠamour : amour est politique !
Fut ce Gloucester ou bien mon frere Constantine,
Derriere tant de mots pour toucher triste Guen, 235
Resveiller de jeunesse, espoirs camomills [347] ?
Un mariage royal — affaire de strateges,
O les flesches aveugles [348], quĠenduit la politique,
Piquent les coeurs si peu et parfois pas du tout.
Que vais je apporter au roy de la Bretagne ? 240
Des terres, ou de lĠor, ou des hommes en armes ?
Arthur Prudence me requiert de musser [349] cela, mais
CĠest lĠinstant mesme que jĠay compris lĠamour
Et que les roys, quoy quĠhommes, doivent se sacrifier
Et aussi leurs desirs, aux demandes publiques. 245
Le souffle des vents ouvre en ce jour mon regard :
Maistre depuys si peu de Bretagne, je dois
MĠallier É
Guenhera La Cornouailles ?
Arthur La France, Guen. 250
J sommes nous seigneur de nostre Cornouailles.
Que Guenera devienne ma reine imperatrice
NĠa rien de politique, soubs bride de filiere [350]
Je suis soudainement de nouveau un garson
Muni par les annes de meilleure sagesse. 255
Mes yeux dĠenfant rendus plus perants par les ans,
Je vois en toy bien plus que falaises corniques.
Guenhera Ton pere, aussi, ayma fille cornique.
Arthur Beaucoup moins doucement. Mais je ne suis pas luy.
Guenhera NĠestoit cet appetit aberrant de Uter 260
Mon frere nĠauroit pas son comt aquatique,
Et des yeux royaux, ne me seroy montre.
Arthur Conjectures pareilles, une fois acceptes,
Pour moy plus de naissance, et je suis dethrosn.
Je ne serois icy battre le briquet 265
Pour enflammer lĠamour qui chez toy est esteint.
Guenhera Esteint ? LĠay je donc dit ? Je nĠen ay souvenir.
Arthur Espoir nou un pouce en souffrance dĠatteinte.
Ains accabler un roy de tes mots aigre-doux
Ne peut estre quĠun crime pour ton nom de crystal. 270
Guenhera Tu declares bien viste que lĠamour mĠa tache !
Nul nĠose te dejouer dans tes felicits
Et estre contrari tĠest fort inusit.
Tel autre Pendragon, tu obtiendras par force
Ce que tes mots nĠont pu si aisement produire. 275
Arthur Chere Guen, je te diroy encor, je ne suis luy.
La preuve, ma response douce et modere.
Tu peux bien mĠenchainer durement un pal,
Faire entrer le publicq, gronder, me deschirer [351],
Sous les cris de la plebe qui reclame du sang, 280
Sur le dos me mettroy, et je soupireroy.
Guenhera Mais, noble ours [352], quand moy, fille amoureuse,
Aymoit cet Arthur que tout le monde savait
Cern de dulcibelles [353] et de toutes les Joan [354].
Pas de fureur jadis : sourire suffisoit 285
Ë obtenir son bien.
Arthur Et Guen la silencieuse
SĠattristoit tellement de voir ce garnement
Ainsi gratter le sol sous lĠestoile du chien [355]. 288a
Guenhera Un coeur qui est parti ne peut se rappeler,
Quand il laisse derriere un amour eplor. 290
Arthur JĠaymeroy quĠun baiser efface la douleur.
Guenhera Tes levres, roy, sont comme ceste lance dĠAchille [356],
Ces armes qui guarissent quand elles ont bless.
Arthur Ne puis je me guarir en te guarissant toy ? 295
Guenhera Honte ! Quelle douleur as tu, roy luxurieux ?
Arthur Le regret [357] cuit un homme tout autant que des ronces.
Guenhera LĠinvention aussi, peine. Les rapports des amours
Qui touchoient mes oreilles piquoient bien dĠavantage
Que ce que jĠespiois des ajoncs espineux [358].
Je tĠespiois charmer, gagner, tresser couronnes 300
De chatons jaunes qui, pour le soleil, sĠouvroient.
Arthur Ce nĠestoit rien de plus que chelidoine [359] torse
Que en cas de besoing ma nourrice broyoit
Pour en elabourer une paste prive [360].
Dans ce que tu espiois, rien donc de chagrinant. 305
Guenhera Je les vis sangloter, mes yeux desja sals.
Je pense que mes-huy [361], roy empli de regrets,
Il conviendroit fort bien que bailles chacune
La moiti de ta face grave sur une piece,
Pour lier remembrance avec un payement. 310
Arthur Pour tout le chagrin que chez toy ce garson
Crea, jĠen fait reproche luy et pour cela
Je paie avec couronne que je tiens dans ma main,
Non pas un cercle dĠherbe qui ne vivra quĠun jour,
Mais ce qui sied le mieux ta beaut, ta 315
Condition, et peut-estre guerira nostre mal.
Guenhera O roy tres souefve [362], que veux tu donc me dire
Que tu nĠas pas desja jur cent fois et plus ?
Arthur Injuste, Guenhera, et en voicy la preuve :
Un mois desja, Gloucester mĠa battu les oreilles 320
De traits politiques, et dĠalliances, de ligues,
De mes defaults depuis ma plus petite enfance.
Il y a une heure, tout son raisonnement
MĠa pouss bouquer [363] et courber la teste,
Jouer lĠamant royal, afin de conquerir 325
Des prairies estrangeres, le droict des imposts.
Mes-huy je suis enfant, muet, melancholique,
Qui oncques nĠa touch levres dĠune amante.
Je suis sec. Debvray je donc mes deux genouz flchir ?
Je flechis. Debvray je donc renoncer demaines ? 330
Veux tu quĠun roy pour toy, face toutes ces choses ? 330a
Donc adieu la France qui attend pres dĠicy.
Guenhera Renversons cet estat, ce nĠest pas toy mais moy
Qui resigne aux pleurs amours abandonnes,
En mes liens ta foy neuve seroit elle si forte ?
Pourrois tu oublier et mĠavoir comme reine ? 335
Arthur Suys moi et retournons dans les bois de Gloucester,
Il faut neuf reprendre un sentier convenable.
Ta main. Ta main, alors, dans le soleil chesneau [364]
Viens marcher avec moy, sur racines, sur terre.
Viens, embrasse moy, Guen, entrĠouvre tes beaux yeux 340
Et dans lĠaube legiere dĠune brume dore
Retenons nostre souffle, escoutons lĠallouette.
Viens, embrasse moy, Guen, prends couronne fleurie
[Il la couronne]
Asseons [365] nous dans lĠombre et embrasse moy, Guen.
[Il lĠembrasse]
Guenhera Faut il faire venir les courtisans ? 345
Arthur Plus tard.
Ils sortent
[Acte III, scne 2]
[Lieu : Les Chenils royaux]
Entrent le Maistre des chiens et son aide
Maistre Il a men son bout de guerre, mais elle est termine maintenant. Et vois si tout nĠest pas comme je lĠay augur [366]. Il renvoit son arme dans ses foyers, pour la plus part, aux champs et aux trafiques [367]. Tous ces oncles que tu as, rentrs chez eux, avecques leurs deux bras. La terre nous donne sa foison [368], les marchs bruyent de tant de cris, les routes abondent de roues. La reine est parfaicte en rondeur [369]. La cour est une cour de musique toute la journe. Le roy est nouveau le garson que jĠaimoy. Il est revenu hier au soir, tu sais, mĠa appel mon amy, et sĠest tenu une heure icy et sĠest approch de la barre pour tendre la main lĠinterieur, et il est rest une heure regarder les chiens. A demand tous leurs noms et il est entr, a flechy un genouil et les a pris dans ses bras, les a laisss mouiller sa face royale et a caress le velours de leurs oreilles. MĠa dit quĠil pensoit quĠHamish estait de la ligne dĠEdgar, noble espaule, noble front et musel [370], a il dit, la couleur lui faisoit penser Edgar. Il a lĠoeil pour le sang. Et present la reine meure [371] pour nous donner un prince, ce prince viendra bien tost nous voir, tu verras, et luy aussi apprendra les chiens. Tous les deux viendront. 21
Garson Si elle met bas un prince, que devient Tom, le garson de Joan ? Et le garson de Phoebe ? Ils sont pas princes, cĠest seur ? 24
Maistre Avecques les beagles, car, de par la loy, les bonnes qualitez du pere restent fortes chez le chiot. Une mauvaise mere ne fait de mal la porte. Bon pere signifie bons chiots : bonne teste, dents dures, croupe puissante, tel pere, tel chiot. Les gens : il nĠen va pas ainsi. Prends Tom, comme tu dis, et regarde : sa mere trouva ce Silvius [372] [373], qui vouloit lĠespouser et donc Tom nĠest pas un prince, ou ne lĠest plus, sĠil lĠavoit jamais est. Et, pense son visage et sa couleur, il est dĠavantage comme sa mere, et mesme que Silvius ne ressemble — tu sais le nom [374]. Quand bien mesme Silvius est gros et suffisamment large pour bloquer un passage [375] alors que Tom est aussi mince que [376]É cecy nĠest pas pour nous. Mais Phoebe nĠa pas de mari, lĠEsglise declare donc que son enfant est orphelin.
Garson Elle lĠappelle son petit prince, dit quĠil possede un royaume dans les cieux. 40
Maistre Il serait plus gentil de sa part de le traitter comme un bon chien et dĠeviter ce genre de paroles. Regarde Agnes. Passe elle ses journes penser ce que les cieux lui reservent ? Pense elle au repas dĠhier ou la pluie de demain ? Et en cognois tu une aussi contente dĠabbayer et de dormir ? Paix, mon garson. Le roi nous a apport la paix, laissons lui cette paix son tour. 47
Garson Le soleil est presque apparust.
Maistre Viens donc, couple les, montre moy que tu sais quel chien convient le mieux chaque chasseur. Pas Argos neantmoins. Donne luy un autre jour pour leicher cette patte. 51
Ils sortent
[Acte III, scne 3]
[Lieu : Une piece la cour de Londres]
Entrent Cumbria et Norfolk
Cumbria Ces mois la cour mĠont vid de tout coeur.
Nous voicy imbecilles [377], un peu effemins.
Un bon conseil, Norfolk, crains ce qui va venir,
De sa cour est Arthur bien trop fier et hautain.
Proclame quelques gloires immortelles, nomme 5
Barbares les vertus accordes son pere.
Fous ceux qui esperent que leur monde est sans fin,
Que seuls anciens royaumes osent rendre leur ame.
Mais fouille les vieux tomes des nations escroules,
Tu comprendras quĠavant la mort de tout empire 10
Toute vertu virile estoit bannie de cour.
Arthur nous pousse tous present lĠestude
Des royaumes en ruines : lĠAngleterre suivra.
Norfolk Cumbria preste voix toutes mes terreurs.
Cumbria Chaque folie se veut la premiere de toutes 15
Rien nĠest deu folie connue du temps pass :
Le declin de la cour nĠest pas celuy de Rome,
CĠest vray, il nous emporte quand mesme vers la fin.
Norfolk Je craignois lĠesclavage de la luxure dĠArthur,
Mais pas de voir la cour un poulailler de femmes. 20
Ses passions de jeunesse renverses gauche-droite,
Il reste la luxure, reserve la reine.
Car la reine est tout. De ceste fantaisie
Les sornettes remplissent son imagination. 23a
Cumbria Chacun de nous il forme sa sotte image.
Pas hommes mais jouant paroistre viril. 25
En dedans nous ne sommes quĠarmures creuses, vides.
La cour grousle [378] dĠacteurs, de raconteurs dĠhistoires.
Les bataillons en rangs apprennent danser.
Avant quoi que ce soit, fabliers il estime ;
Compte comme action ce qui nĠest que pense. 29a
Jamais ce mignardeur [379] ne fut un roy martial, 30
Tout son front se refroigne quand armes on conseille.
Voudroit la paix des cieux descendue sur la terre,
Et lui-mesme abuse en se montrant si fier
Que tous nos ennemys trouvent cy du plaisir
Ë sĠasseoir estonnez quĠil honnore les arts 35
Tandis que nos armes labourent, sement, dorment,
Et au combat ne souffrent les douleurs quĠils encourent.
Norfolk La reine nĠa pour tasche quĠune seule, divine :
Long temps la retarda, mais aucun heritier.
Le roy Arthur pardonne ceste matrice vide. 40
Mais chaque accident [380] resjouit nos ennemis,
Luy carresse ses mots, admire leur conception [381].
Si jĠestoy ce grand roy, Mordred, grand en tout cas
Par la hayne [382], ou bien Childebert, dont la fille
Nous fismes peu de cas, sur ce pas feroy 44a
Pleuvoir tous les fleaux et y porter la guerre. 45
Cumbria Gloucester nĠavise il le roy que lĠennemy
SĠestonne, bouche bee telle beste vorace ?
La mort viendra sĠabattre aux portes du royaume.
Le sang des menesterels coulera dans la cour.
Norfolk Oh, Arthur est la reine, Gloucester est sa suivante : 50
Lui manque une thyare, un chiffon [383] pour la ruche.
Cumbria Mais les abeilles cognoissent la guerre [384].
Quel debvoir avons nous devant folie de prince ?
Norfolk Tout doux, comte. Prudence pour ces dures paroles.
Nostre fidelit nĠa pas est choisie, 55
Ne peut estre renie quand la bile estrangle.
Si ce roy est le roy, cĠest volont divine.
Cumbria Que la contemplation parcourre un sentier
O lĠaction ne va suivre penses aussi ailez.
AujourdĠhuy je ne parle seurement pas dĠArthur, 60
Pense philosophique, vue dĠesprit generale.
Si un roy doit mourir, dĠune vray main aymante,
Assurant son royaume avant quĠil soit trop tard,
Violence ne destourne la volont de Dieu
Mais agit Sa place, vicaire de Sa main. 65
Norfolk Ce nĠest pas l la fin, Cumbria, vient un roy,
Serieux, ce roy choisi, mesur ton goust,
Craindra tout moment sentir une autre lame
Ayant tort pens avoir lu tous les signes
Mais ainsi mesprisant [385] tous les desirs divins. 70
La voie contemplative ne cognoist pas de fin.
LĠassassin, vray lapin, procree des assassins.
Nous devons accepter la folie et laisser
La fin des roys au roy qui sait juger la fin.
Comte, je tĠen supplie, ces penses renonce. 75
Cumbria Ton savoir orneroit nos universits.
Norfolk Parole courageuse portera la vertu
Et forcera lĠexemple. Je te fais mes adieux.
Cumbria Ë bien tost, mon amy. Je feroy attention.
Norfolk sort
Voir la conflagration ainsi en estincelle, 80
Que quelques mots-conscience ne pesant pas tres lourd,
Ne pas oser desnier que brusle ce pays,
Arracheroit mon coeur comme par un crochet.
Je ne veux ny couronne ny louanges vulgaires,
Pourroy innocemment jouer au regicide. 85
Ce futile Arthur a jou trop long temps.
Ceste main pourroit elle accomplir un geste
Aussi infernal ? Mais, raisonnons. Je peroy
En imagination ceste moment precis :
La peur qui se resveille, le cri, les flots de sang, 89a
LĠhomme trahi dont lĠoeil fixe vostre regard 90
Et y cherche response mais sans rien y trouver,
Puis lĠame sacrifie, sacrifie jamais,
Que de bon gr lĠon baille aux griffes du daimon
Peu importe vostre haute resolution.
Mais non, je me destourne, nĠose agir ainsi ; 95
Quelle en est la raison ? Je ne cognoy ce givre :
Est-ce la couardise qui vient geler mon coeur ?
Oui. Je vois nostre fin mais ne peux commencer.
Et tombent les royaumes, par les ruses du vice,
Quand les justes sĠescartent maugr [386] bonne conscience. 100
Il sort
Acte IV[, scne 1]
[Lieu : la cour royale de Londres]
Entrent le roy, la reine [enceinte],
Cornwall et nobles, des dames portant des balances et des huissieres [387]
portant des massues legeres. Hautbois, harpes
Arthur Seigneurs, faites place. Les hommes genouz.
Car les dames maintenant ont leurs heures de cour,
Et souverainet donc jĠay abandonne
Balances de la loi en ces mains plus pasles. —
Douce reine, que jĠay rĠencherie [388] dĠheritier, 5
Abdico meum regnum [389].
Guenhera Mon cher amy aymant,
Ta foy en la sagesse de nostre sexe faible
Sera recompense par Dieu, la sagesse 8a
QuĠ la meulle legale bien tost irons esmoudre [390].
Crieuse, lis les charges, parle devant la cour ! 10
Mais o est Cumbria, le comte accus ?
Va, quĠil vienne icy respondre devant nous.
Entre Cumbria accompagn par des huissieres
Arthur Allons donc, Cumbria, tu joues le dameret [391].
Guenhera Seigneur, sĠil faut regner, icy cĠest moy qui regne.
Arthur O doux tyran, piti pour ceste pauvre teste. 15
Guenhera Une fois excus, sinon je paroy faible.
Parle, Crieuse, lis !
Crieuse Comte de Cumbria !
Pour enseigne des charges, dĠun estat incertain,
Portez ces branches de saulx [392], pour amour abjur 20
Et feuilles de fenoil en signe dĠamour vray.
Elle lui donne deux branches
Ë la fin du proces, il en restera une.
Elle lit
Imprimis [393]. Le comte de Cumbria, au jour de la Saint-Lambert [394], parla dĠamour Rosamund, une dame de ceste court, et la toucha par ses mots. Item : Ayant achet ce coeur chancelant par ses mots, le mesme comte entraina la dame dans un bosquet cach. Item : Le mesme comte, la mesle [395], deux jours plus tard, ne portoit pas lĠenseigne de la dame ny sur son heaume ny sur sa personne et, quand il frappa Sir Stephen et le fit tomber terre, il ne demanda pas la faveur de ceste dame. Ainsi sont les charges dĠamour des plus discourtois. 32
Guenhera La dame se tient icy. LĠaffaire est tres clair [396].
Noir et non attenu [397] le crime entendu.
Si le comte est coulpable, nous prononons sentence : 35
Rosamund abjure recevra payement
Des deux et douze branches dĠun sonnet qui portent
Les chatons parfums de lĠamour que tu feignes,
Comme peuvent le voir en toy les dames de la cour.
Nostre bon Cumbria, quelle est ta response ? 40
Cumbria Ne vas tu pas blasmer, roy, ce trictrac [398] dĠenfants ?
Liberer ton feal de cette vanit,
De cet essaim dĠoyes blanches, de viste restablir
Ceste cour restive un viril empire [399].
Arthur Esclave, genouz, devant ta fiere reine, 45
Dompte ta langue qui, plus aigue tĠauroit fait 45a
Sentir son fil autour de ton cou [400] et compose
Quatorze vers rims ceste jeune dame
Sinon tu sentiras courroux compulsatoire [401].
Guenhera Ces sombres chevaliers desparent [402] nostre cour.
Vous estes tous les deux beaucoup trop insolents : 50
Oui, roy, qui te targues en place de ta reine
Et, ce faisant, prevault la reine que tu sers.
Ton sonnet se transforme en ballade [403] dodue,
Et te vaut, triste comte, encore quelques vers.
Mais sur toi, roy grinceux [404] tombe un sort plus dur : 55
Ë Saint-Martin [405], un masque [406] et le theme en est
La sagesse dĠune reine.
Entre Gloucester
Gloucester Roy, expulsez la cour
Le conseil doit sieger, escouter mes nouvelles.
Guenhera Duc, quelle haste, quel bruit, cĠest le moment des femmes ! 60
Cela ne convient pas nostre majest.
Gloucester On vient de mĠapporter, mon roy, ceste nouvelle.
Ë Linmouth [407] sur la coste du Devon une forest
Surgit, un bois en mer, dans le flux et reflux
Distinct de ces espaves qui dansent sur les flots. 65
Aux innombrables masts flottent des banderolles
Saxonnes — tout en haut : loups et bestes sauvages.
Sur la coste les murs ne sont pas termins,
Et des forces plus vastes que nĠayons jamais vues
Sur le sang des Anglois sĠabattent sans mercy.70
Arthur Nous sommes stupefis de les voir revenir,
Nostre bleu esteal noirci par les Saxons.
Mes dames, excusez ce changement de clef ;
Il nous faut maintenant jouer autre musique.
Guenhera Une heure encor, roy, pour finir le procez. 75
Arthur Compter les grains du temps, mon amour, est tres doux,
Puis tourner le sablier et te voir tamiser
Les vertus contenues dans tous tes volumes [408].
JĠay remords de devoir nous tourner vers la guerre
Emmene, je tĠen prie, ces dames hors de cour. 80
Guenhera Contrainctes, nous cedons, terrible suzerain,
Mais il nous faut bien tost retourner au procez.
Arthur Suffit ! Quittez la cour ! Plus de vaines paroles.
Toutes les dames sortent
Parlez, hommes de guerre, Gloucester et Cumbria ;
Quelles forces sont prestes desployer de suite ? 85
Gloucester Roy, ce coup impreveu est deu un phoenix,
Selon nos reflexions, cĠestoit un tas de cendres [409].
Arthur Ces Saxons subjuguez conjurent les esprits,
LĠarme annichile [410] que nous avions vaincue
Aussi tost fut pourveue et vient nous attaquer. 90
Cumbria Pas de sorcellerie, roy, mais vostre mercy,
Quand, apres voeux payens et scabieux York,
Ils reprirent la mer et se multiplierent,
Vous ne tuastes Bath que moiti de leurs rangs,
Leurs garsons, larmoyants, partirent procreer. 95
Ë Linmouth ils vous rendent monnaie de vostre piece
Tandis que vous pleurez nuages et sorciers.
Gloucester Retiens ton amertume, Cumbria, et courbe
La teste : veux tu voir la fureur de ton roy ?
Arthur Non, tu peux reprocher un roy sa folie. 100
Je ne desiroy pas agir comme mon pere,
Et ay montr par trop de liberalit —
Si du Devon lĠenceinte est encor imparfaicte,
JĠay crainte dĠapprendre combien dĠhommes sont prests.
Gloucester Ë vray dire, peine un millier est en armes. 105
Adjoustez des rustres avec lames et fourches.
Cornwall Mes forces, qui estaient pres de Linmouth avant
Sont parties dans le Nord pour fortifier la Tyne.
Arthur Ë si pietre figure les Saxons vont sourire
Jusques chez nous Londres avant que de combattre. 110
Quelle aide aurons nous de nos contres du Nord ?
Cumbria Le Picte a jur de prester main forte
Mais seulement par crainte de vos promptes reproches.
Arthur Dans lĠAbbaye le Picte a flechi un genouil.
Je ne fay aucun doubte de sa prompte response ; 115
Faites le luy savoir. Et que viennent ses piques.
Cumbria Raison de peu de poids. Il a genouil flechi :
Vostre pouvoir croissoit, le throsne de Pictland
Estoit selon Arthur.
Arthur Et maintenant ? 120
Cumbria Ny peur
Ny amour pour le roy dĠAngleterre. Mais
Mordred vous tient rancune dĠavoir tu Calvan,
Ceste aide sanglante, elle ne sera livre,
En voyant lĠAngleterre brusler, il sourira. 125
Arthur Depuis les temps romains, nous nĠavions eu de paix,
Nos riches recoltes engraissent nos enfants,
Les eglises sont riches, les marchs sont pleins,
La gloire de la cour sonne en Moscovie,
Mais les rats barbares inondent le pas 130
Car Mordred, bouc des landes, de moy nĠa pas de crainte.
JĠouvriroy ce cabot du ventre la gorge. —
Un alli avons nous en France ?
Gloucester Pas du tout.
Pas quand lĠamour offert a est rejet, 135
Et que mariage fistes sans la moindre alliance.
Arthur Ë quel jeu jouons nous ? Pourquoi reviennent ils ?
Cumbria Ce royaume altier vit de resves de femmes.
Surpris que vostre paix nĠai vescu quĠun seul jour ?
QuĠencore sur nos rives ces daimons debarquent ? 140
Mauldissez la mare qui ne loue pas la cour [411] !
Jusques au dernier jour, nous verrons lĠennemy,
Jamais un jour sans voir une espe desguaine.
Il nĠy a que la guerre. Heritage de lĠhomme.
Jamais de paix sinon le souffle dĠun instant 145
Rendu plus doux encore par sa brievet.
CĠest ce que mĠa appris ton pere Pendragon.
Arthur Il ne mĠa rien appris, ny ceci ny rien dĠautre.
Mordred nous fait mendier ce qui est nostre droict,
Quelle ranon faut-il payer lĠusurpateur ? 150
Quel tresor lui verser pour payer son amour ?
Gloucester Un Croesus [412] aux doigts dĠor nĠa pas de telles sommes.
Arthur Quoi donc ? Desire il des terres, ou privileges ?
Je concede quĠil est le grand sultan des Turcs
Ou le duc dĠAfrique. 155
Cumbria Ou le prince de Galles.
Arthur Que signifie cela ?
Cumbria Pas de prince de Galles.
Arthur La reine est enceinte, preste esclater.
Cumbria Deux fils furent perdus, sans souffle et sanglants, 160
Et peut encore lascher des faulces conceptions [413].
Ce que Mordred sait bien. SĠil vous preste ses armes,
Donnez luy vostre throsne le jour de vostre mort,
Ë condition dĠabsence dĠun heritier naif [414]
De la reine, ou autre, choisie par son Altesse. 165
Cornwall Ou autre ? Cumbria, je briseroy tes os.
Braguette toy et dompte ta langue de vipere [415].
Arthur Tes soings envers la reine, comte, sont fraternels,
Oy sans plus de passion quĠun lanon [416] la sagesse
QuĠicy est propose : est seur que pour Mordred 170
Je ne suis que la queue coupe de ma famille [417].
Pour des mots grimaciers [418] sĠil prend nostre party,
Quel mal alors quĠil soit mon heritier ?
Mes-huy [419] agirois je dans lĠesprit de mon pere
Et eternellement seroy prest pour la guerre. 175
Va, apaise lĠesprit de ta soeur sur nos actes.
CĠest tenter la risque [420] que jouer un royaume
Sur la vigueur sans preuve dĠun prince venir !
Preux Cumbria, rassemble les forces qui nous restent,
Gloucester, envoye avis la cour de Mordred, 180
Invite nostre fils et nostre heritier
Ë venir la guerre tres amoureusement.
Ils sortent
[Acte IV,] scne 2
[Lieu : LĠappartement de la reine
Londres]
Reine solus [tres enceinte]
Guenhera NĠy a il donc personne ?
Entre la nourrice
Nourrice Majest, vous voulez ?
Guenhera Quoy de neuf de Linmouth ? Des nouvelles du roy ?
Nourrice Il nĠy a rien, Madame. Que desirez vous ?
Les douleurs sont venues ? Fa ire venir la matrone [421] ? 5
Guenhera Je nĠay pas de nouvelles de mon champ de bataille,
Pas plus quĠil nĠy en a de ces guerres saxonnes.
Viens me presser le dos.
Nourrice Assis ?
Guenhera Mieux vault debout. 10
Nourrice Voil, comme vous lĠenjoint vostre confort.
Guenhera Oh ! Oh !
JĠay trop de mal debout.
Nourrice Venez donc vous asseoir.
Guenhera Sur le cost peut-estre. 15
Nourrice Ainsi, sur le cost.
Guenhera Il nĠy a rien faire ?
Nourrice Rien faire lĠinstant.
Vous avez renonc au confort voil neuf mois des-ja.
Venez, asseoyez vous. Vous secouez le prince. 20
Allez ! Allez, ma reine ! Cessez donc de bouger,
NĠavoye je pas des-ja lav ces fesses sales ?
Souffrez vous l ?
Guenhera L. CĠest bien. Tu es douce. —
Quel vieux sage estonn remarqua ceste ligne 25
De lunes entre sourire dĠamant et cris du travail ?
Nourrice Adam la cognoissoit quand il regarda Eve.
Guenhera Le roy, en sĠen allant, me posa une enigme,
Voicy la devinette, baigne dans les sourires :
Ç Quel est donc ce fardeau que lĠon ne peut porter, 30
Le jour, douce reine, o il ne porte plus ? È
Ç Mon roy, dis je, ce jeu est votre bon gr. È
Ç Non, cĠest mon fardeau È, dit il. As tu compris ?
Oui, cĠest une espouse. Il mĠembrassa alors,
Puis partit cheval, jĠestoy sa propre Guen. 35
Nourrice Mais laissant vostre prince chez vous et bien en selle.
Sait il des-ja frapper, pousser de lĠesperon ?
Guenhera Il est rest tres calme depuis une heure [422].
Comme des jects sous-marins prestent leur propre souffle
Aux bestes sous les vagues, trouve air, mon prince, 40
Sors donc et viens remplir mes bras et mes oreilles,
Et le roy de fiert pour toy. — Pas de nouvelles ?
Pourquoy nĠavons nous eu de luy — pas un seul mot ?
Ne veut il rien nous dire ? Pas de pense pour nous,
Pas dĠide que penses nous avons pour sa guerre ? 45
SĠinquiete il que nous ayons des inquietudes
Pour victoire ou mort ? Mais qui en auroit plus ?
Nourrice Il faut vous reposer, ma fille, calmez vous.
Guenhera Si Arthur vit, de moy il a fait un march
Avec un roy dĠailleurs, dĠun royaume du Nord. 50
Les voila qui desbattent de ma pleine matrice !
Mon fils est vigoureux, le roy a de la chance,
Il reclame son lait puis reclame un sceptre.
Si lĠenfant meurt, lĠautre remercie sa fortune.
Comment de pareils hommes consacrent des royaumes 55
Sur une tombe tavayolle [423] ?
Nourrice Chut, jĠescoute.
Guenhera Si Arthur meurt, aussi mourra son heritier,
Ce souffle si leger nĠentravera Mordred
Pour le pousser du throsne [424]. — Je fuirai avec luy 60
En robe et fichu de paysanne. — SĠil vit,
Si nostre enfant meurt, que vay je devenir ?
Sans heritier, royaumes ne peuvent que tomber,
Comment un roy endure une reine sterile ?
Nourrice NĠoubliez rien ma fille. Je vais vous expliquer: 65
La guerre est gaigne, les Saxons desconfits,
Ma reine heroque, vous estes vainqueresse !
Car cĠest vostre matrice qui fournit les allis :
Vostre roy est vivant, lĠenfant est naiz, et vous
Avez sauv Linmouth, vaillante Guenhera. 70
Guenhera Je les sens tous les deux, ces roys rivaux-amys.
Ils luttent et en moy lisent leur sort et destine,
Les futurs rivalisent dans lĠespace-decouvert [425].
Pourquoy me laisse il ignorante, inquiete ?
Personne nĠest venu avecque un message ? 75
O ! O !
Nourrice Cela commence ! Ainsi naissent les roys !
Venez marcher un peu dans le grand corridor
Pousser par ceste action le prince tomber.
Elles sortent
[Acte IV,] scne 3
[Lieu : Le champ de bataille de
Linmouth]
[Entre] Mordred solus
Mordred Ë present Arthur mĠayme, il me dit que je suis
Son amy tres fidele aym plus que sa vie [426],
Heritier cheri, frere et presque son enfant.
Une lance saxonne me jetta de cheval,
Le roy Arhur chargea, me remit sur mes pieds 5
Et cria que jĠestoy Ç Renaissance dĠHector [427] ! È
Il ment, je say. De moy il ne peut le penser.
Il est dit plus rapide, plus musculeux que moy,
Pourtant ses mots, un peu, mĠont donn de la force,
JĠay chasti le Saxon avec plus de vigueur 10
Car Arthur lĠa predit, et doncques je lĠay faict.
En fin de la bataille, quand nous comptions les morts,
JĠauroy deu dans son dos enfoncer mon espe,
Mais dĠavoir son oreille et son oeil mĠenchantoit,
JĠay rougi dĠentendre quĠil me souhaitoit bon vent [428]. 15
Il sembloit ne vouloir autre chose que dĠenfin,
Pousser son dernier souffle pour me donner son throsne.
Je sais quĠil ment, pourtant heureux de son amour.
Plus de Saxons, le roy se haste la cour
Puis aux rives factieuses des rebelles irlandois, 20
Contre la mort, contre tout ennemi oublieux [429].
Son baiser sur ma joue, je le voy sĠen aller
Et il mĠest souvenu du meurtre de ma chair.
Moy, si jĠestois ce roy, Mordred seroit au Nord,
Attendant sa couronne, attendant, attendant, 25
Mais les reines actives au lit lui font obstacle.
Mon accord lĠa pouss de nombreux complots [430] !
Mais je suis moy. Ne peux renoncer lĠaction.
Ë Londres ! Ma reine je veux y saluer.
Je lui feroi jurer que je suis heritier, 30
Sa beaut est celebre. Si Arthur decedoit
Aux guerres irlandoises, elle deviendroit ma reine.
Sur sa reputation les rumeurs mĠapprennent
QuĠelle est tres prodigue en cadeaux amoureux
La semence sacre de Mordred nous ferra 35
Viste planter un prince pour defendre nos droicts,
Prouver qui doit regner, que Mordred est le roy.
Oui. JĠobtiendroy alors de tous ces lords anglois,
Des vulgaires tribunes quĠil me faudra payer,
Amour, et subjection, et crainte, qui sĠachetent. 40
Avec lĠissue certaine, ma pense resistante
Se devra de venger un frere regrett.
Il sort
[Acte IV,] scne 4
[Lieu : La cour royale de Londres]
[Entre Arthur]
Arthur De vray, lĠestranger, il nĠy a point dĠurgence
Mais il faut bien trouver o pratiquer la guerre,
Cumbria mĠa touch lors quĠil mĠa rappel :
Ç Jamais Uter nĠa pu assujectir le kern [431]. È
Allons caprioler sur la tourbe dĠIrlande, 5
Estouffer, pour lĠinstant, les plaintes des rebelles.
Je ne dis pas Ç toujours È : jĠay fini par apprendre
QuĠil nĠy a resverie dĠune paix eternelle,
Respirer, cĠest tuer un ou deux Irlandois,
Luicter des Allemans, se reposer un peu, 10
Massacrer quelques Pictes, puis nations infideles. 10a
Vray roy je suis, doncques jĠapprecie mes guerres.
Gouste la paix en dez [432], en grains [433] et en oboles [434],
Non point en barrique mais en denier tournois [435],
Et je tiens pour glouton qui en veut dĠadvantage.
Entre Gloucester
Comment va nostre reine ? 15
Gloucester Sire, elle veut vous servir.
La triste Guenhera, esclave du chagrin,
Soubsrit,
seiche ses joues, attend vostre retour.
Arthur Bien tost. Sommes nous prests pour cet embarquement ?
Gloucester Ne reste quĠ attendre un vent irresolu. 20
Mais Sire : quelquĠun icy desire vous parler,
Fit grand haste, dit-il, du Yorkshire jusquĠicy,
Depuis quelques semaines cherche vostre oreille,
Et ne veut publier sa raison ou desir
Ë
dĠautres qu son roy. 25
Arthur Fais le entrer chez moy.
Gloucester sort
Reine ayme aymante espere voir son roy
Et les heures de paix, les aimeroy passer
Polochonn [436] sur elle, et devant mon navire,
Rafraischir sur son sein toute ma lassitude, 30
Car nous avons tous deux une tasche faire,
Avant quĠun jour se voir devenus subjects pictes.
Gloucester revient avecques Philip
Un garson advenant au tres noble visage.
Qui es tu, jeune homme, que voudrois tu nous dire ?
Philip Dieu vous garde, Seigneur. Je suis Philip, de York. 35
Porteur des souvenirs quĠenvoie ma tendre mere
Qui de son lit de mort vous transmet son amour,
Vous,
son unique roy.
Arthur Qui donc est ceste mere ?
Philip Ë
York, elle cousoit pour lĠespouse du maire. 40
Arthur Oui, estoit une dame de nostre garde-robe ?
Son nom, Elizabeth, dĠelle je me souviens.
La dame est ta mere ? Et tu nous viens de York ?
Mais sur son lit de mort ?
Philip Elle
est mourante, Sire. 45
Arthur Ces mots nous chagrinent bien. Que dit-elle, enfant ?
Philip MĠenjoint
de vous aimer toujours comme mon pere [437].
Gloucester Cesse ta fourberie, toy, estrange garson.
Arthur MĠaymer comme tu aymes celui qui tĠa conceu ?
Philip De
vous aymer, mon pere. 50
Gloucester Cesse.
Arthur Est-ce ainsi [438] ?
Philip En cecy seulement je clame plus que roys,
Car nostre verit connoy depuis que je suis fant [439].
En chantant me parloit elle de vous, de son amour, 55
Mais
jamais ne falloit vous troubler la cour.
Gloucester Je tiens voir la fin certaine et rapide
De ce si beau spectacle de faux cousinage [440].
Fais nous viste passer ton abjecte [441] ruse.
Allons, debite donc ta liste de demandes. 60
Philip Mais non, mes bons seigneurs, je ne veux de cadeau
Autre que mains royales sentir sur ma teste,
Et la recognoissance de lĠamour de ma mere
Au pauvre orphelin, jĠiroy alors York.
Arthur Et si orphelinage, Philip, mais nouveau pere, 65
Ou mieux encor, ayant retrouv son vray pere :
Je voy dans tous tes muscles et je vois dans tes yeux
Preuve de ton discours : tu es mon impression [442].
Ces lineamens me sont connus comme si
JĠobservois un miroir dĠautres annes qui garde 70
Images reflectes il y a si long temps.
Viens dans mes bras, Philip, prince et heritier.
Tu
vivras la cour, icy par adoption.
Gloucester Pourquoy courir si viste, seigneur ? Il est venu
Ë Londres dans lĠespoir dĠune petite piece, 75
Et voil j sa face estampe sur les pieces.
Les marques sont moins claires que vous ne le pensez
Sur le cou rougeoyant de nostre aigrefin.
Il nĠest pas politique dans ceste circonstance
DĠainsi determiner le sort de ce royaume. 80
Mesme vray, comme luy, nĠy en a il pas dĠautres ?
Peut-estre cestuy-cy nĠest pas le plus aag.
Arthur Ce peut estre, neantmoins il est venu me voir,
Luy nĠa plus present dĠautre parent que moy.
Je ne veux pas bannir ainsi mon propre fils 85
Ni nourrir ma ligne en pays estranger,
Mais quĠil soit prez de moy pour en faire un roy.
Gloucester, previens la reine, que ma joie soit la sienne.
De son lit plein de larmes il faut que tu la sortes,
Nous la consolerons de son esprit chagrin. 90
Elle gaigne un beau prince apres trois fils morts ns
Et
doit se rejour de lĠequit de Dieu.
Gloucester Tant de haste, Seigneur, est fort malencontreux,
SĠaccorde mal au coust de toute ceste affaire.
Ressonneront long temps nombreuses consequences. 95
Arthur Jamais nĠas eu de fils, Gloucester, moy, jĠen ai eu,
Et dans ses yeux dois voir nostre force future.
Arreste je tĠen prie dĠergoter sur les faits,
Que ma reine morose [443] salue nostre fils.
Gloucester sort
Aymes tu la chasse et la pesche, Philip ? 100
Sais tu charger, frapper dĠune espe tranchante ?
Philip JĠay appris et suis dextre dans tous les arts virils,
Aux
costs de mon pere, prouveroy ma valeur.
Arthur CĠest parler comme un prince, mon fort noble garson.
Fiers, nous tĠobserverons fixer droict le soleil [444] 105
Puis tĠenvoler, aigle, Anglois, prince de Galles.
Philip Je brunche [445], mon Seigneur, je suis lent et bredouille,
Tout estonn, mĠestant esveill orphelin,
De
me coucher bien tost et un fils et un prince.
Arthur JĠay moy aussi hum proplexit [446] semblable. 110
Gloucester revient [menant] Guenhera par le
bras
AujourdĠhuy suis la reine et tu seras le roy,
Car je te presente, ma Guen, un heritier.
Guenhera Tu compassas [447] cecy en Jupiter tonnant.
Minerve jalit [448] elle de ta teste fendue [449] ?
Ne se fascha ton test [450] dĠune telle invention [451] ? 115
Arthur Prince tout neuf, embrasse pour moy ta mere-reine
Guenhera Mordred son frere aisn lĠaymera il beaucoup ?
Arthur Plus crains les pluies dĠavril et les vents froids du Nord
Que ne crains la picqueure de puce de ce singe,
Que la scrofule [452] picte teste de tinette [453]. 120
Escraze fut la ligue car elle est huy caduque.
Gloucester Faut il lui faire part de son manque de chance ?
Arthur Attends nostre retour des guerres irlandoises,
Car mauvaises nouvelles le trouvent mal lun.
Guenhera Quel besoing avez vous, Seigneur, de vostre reine ? 125
NĠay je point eschou toutes vos demandes ?
Arthur Chut, ma Guen ! Ne dis pas choses aussi affreuses !
Nous avons fait le tour de la question, unique
Reine, joviale baise nostre fils heritier.
Guenhera Tu me lĠenjoins, Arthur. Embrasse moy mon prince. 130
[Ils sĠembrassent]
Gloucester Quelle guerre suivra un baiser aussi tendre ?
Arthur Mesme guerre que celle que nous aurions connue,
Mesme guerre qui couvre le ciel et mouille la rose.
Nostre peuple jamais nĠa toler le Picte
Et ne supporte pas mutinerie sans fin. 135
LĠAnglois nĠaccepte pas un roy si estranger,
Fomentera des troubles qui nĠauront pas de fin.
Ce pacte fut scel en dĠautres jours, moins fastes ;
Il ne peut pas penser quĠil tiendroit bien long temps.
Va voir, Seigneur, que tout soye tres bien mis en oeuvre,— 140
Prince, mon retour, nous pourrons converser. —
Viens, Guen, nous avons droict une nuict paisible
Que je savoure mieux ainsi entre deux guerres.
Tous sortent [except Philip]
Philip Un coeur royal est mien, pour cecy suis venu
Et rien nĠay avou. JĠay cet esclat royal 145
Car cet auguste roy vit en moy son jumeau.
Si jĠay coeur et esclat, il me manque le sang :
CĠest vray quĠElizabeth mit au monde son fils,
Ce mesme jour ma mere enfanta dĠun garson [454].
Le fils de ma mere vivra longtemps encor 150
En tout cas je lĠespere ; il y a deux semaines,
LĠautre enfant rendit trop tost Dieu son ame. 151a
CĠest vray, je vins icy esperant benefice,
Deux fois ma fantaisie sĠenvola au galop,
Me voyant chevalier ou dot de domaines.
Mais la course folle de la roue de fortune 155
Estoit inattendue, me fait peur Sainct-Vallier [455].
Mon coeur bat la chamade ; je doy aller York
Avant quĠils aient appris que je suis un moineau,
Mais la cour au reclame [456] mĠappelle et je reste.
Si je pars maintenant, je perds les benefices. 160
Un jour ou deux peut-estre comme prince de Galles,
Mon pere la guerre, le duc ses costs,
Procure avantages pour ma bonne fortune.
Acte V[, scne 1]
[Lieu : La cour royale de Londres]
Entre Mordred avec sa suite et ses couleurs,
conduit par un serviteur anglois
Mordred La cour du grand Arthur semble vide present.
Serviteur Le roy est en Irlande avec son arme, Sire.
Mordred O donc vit la reine quand il est la guerre ?
Serviteur Icy, avec ses dames et sa garde la cour,
Et avec ceux qui dansent et remplissent ses heures. 5
Mordred Dis luy que son ami qui lui veut tant de bien,
Emprs [457] Arthur, le roy de Bretagne — lĠattend.
Le serviteur sort
[En apart] Et il voudroit la voir devant luy genouz [458]
Promettre dĠobeir son prochain seigneur.
Entrent des acteurs, [dont le Roy acteur, la
Reine actrice et les dames de la cour dĠArthur]
Quelle cour bien estrange ! Avec combien de roys ? 10
Arthur leur permet il de partager son throsne ?
Acteur Icy point de demande, point de temps, point dĠespace
Pour toy, petit monsieur, nous respondons de tout [459]
Et avec elegance nous tiendrons nostre place.
Dehors ! La cour est nostre pour bon nombre de mois, 15
Des commandes du roy qui veut que nous montions
Ë son retour des guerres dĠIrlande pas moins que
Deux comedies, et puis deux tragedies, aussi
De luy inventer conte avec ses chevaliers
En hros sur la scene dans une longue queste. 20
Couronne de carton, hors dĠicy roy papier
Viste, sinon des murs nous tĠenverrons en bas.
Quel roy nu tu nous joues, quel beau roy mechanique !
Mordred Es tu un vil farceur ou fripouille bouffie ?
Ë genouz, mal appris, devant le roy reel. 25
Acteur Ceste realit est comprise dans lĠart,
Ne suffit de vouloir, mon prince de papier.
JĠai jou de mon temps lĠempereur Charlemagne [460],
Caesar [461], David [462], Herode [463], Priam [464] et Jupiter [465],
Et cĠest bien intrepide de venir devant moy. 30
Mais tiens toy droict, grandis, il faut tourner la teste.
Peut estre un messager. Pas un roy, et encor.
Baisse les bras : pour quoy ainsi tordre tes mains ?
On diroit une mouche qui se lave les pattes.
Mordred Grand mercy, la leon, royale, est utile, 35
Mais peu de jours te restent passer la cour. —
Madame, dites nous ce que vous jouerez
Pour Arthur sĠil revient, sain et sauf, de la guerre.
Actrice CĠest lĠhistoire dĠIcare [466], qui vouloit sĠenvoler
Et destruisit sa vie par ambition trop grande. 40
Mordred Trop sombre pour un roy si joyeux, bien trop sombre.
Actrice Trop vray, en bon escient il faut parler, trop vray.
Mordred Ah ! Verit se trouve dans les sermons des prestres ;
Elle nĠa jamais pay un salaire dĠacteur.
Entrent la reine Guenhera, Philip et leur
suite
Mais ? DĠautres comediens ? Ou bien estes vous vrays ? 45
Guenhera Une assemblee de roys accable nostre cour,
Seul un nigaud ne sait recognoistre le sang
De peinture de scene [467].
Mordred Reine, je suis sans armes.
Vostre beaut mĠattaqueÉ 50
Guenhera LĠespe que vous portezÉ
Mordred Vostre majest ?
Guenhera Vous vous dites sans armes.
Mordred Je vouloy vous parler comme le font les potes,
De beaut et dĠamour, de vostre perfection. 55
La Bretagne est fiere, peine dire au monde
Entier que Guenhera, par sa beaut est reine
Plus que toutes les reines dont on loue les attraicts :
Ny Venus, ny Helene, ny Europe, aucune
Ne peut pretendre estre aussi belle que vous. 60
Guenhera Merci donc, roy des Pictes, pour paroles gentilles
Que nous vaut ce voyage aussi loing dans le Sud ?
Mordred Establir entre nous bien fond de la ligue
Liant nos deux nations ; je voudrois mĠassurer
Que je suis vostre fils, vous ma mere aimante, 65
Et dĠavantage encor, si la guerre cruelle
Devoit faulcher Arthur, que moy, devenu roy, 66a
Maintiendroy sur le throsne celle qui sĠy trouvoit :
Oster Ç mere-reine È un seul mot superflu [468].
Philip Vous mesprenez le sens du testament dĠArthur.
Non mand, vous voil sur le siege dĠun autre. 70
Pour qui vous prenez vous, vous venez la cour
Pour demander audience ma mere si belle
En chuchetant des mots dĠamour et dĠheritage ?
Mordred Qui est donc cestuy-cy qui porte un dyadesme ?
Philip Philip, prince de Galles, qui nĠest rien moins que fils 75
Je suis lĠaisn dĠArthur, lĠheritier de Bretagne.
Mordred Un autre comedien, obscoene [469] Dieu ?
QuelquĠun icy a il la verit de Dieu ?
Guenhera La comedie, roy picte, nous feroit tous sortir,
Et chacun doit avoir sa porte legitime. 80
Mordred Peu aimable, Madame, imprudemment mutine.
Je suis venu offrir toute ma loyaut
En attendant que Dieu veuille me faire roy.
Car Dieu a le desir de ma continuance [470] :
Il parle par presages, actes et descendance, 85
Sa volont visible car vous estes sterile ;
Mais de vous la matrice ensemence par moy,
Sans estre corrompue par touche du bastard,
Portera fructueuse une race de roys.
Mais douceur ne rencontre icy point de douceur. 90
Je trouve au contraire ceste trahison peinte.
Vostre roy criminel est donc desavou,
Car il a octroy ce qui nĠestoit pas sien [471].
Par force mon message est alter, ma reine,
Et vous serez mon hoste avec cestuy faulx prince, 95
Vous irez sans delay dans ma froide Pictland.
Nous partons de rechef. Preparez vous en haste.
Guenhera Ou point ? Vous desgainez ?
Mordred Nous vous y conduirons.
Ny orphelin de Galles ny roy mal deguis 100
Ne peuvent gehenner [472] nostre avance rapide.
Guenhera Avec celerit vous avez alter
De soupirant timide rustre malotru.
Hier encor vous estiez un enfant delicieux.
Mordred Un jugement cruel et mauvais, Guenhera. 105
Vous apprendrez bien tost la cour des Pictes
QuĠhonneste et fidele est le regne dĠun roy.
[Acte V,] scne 2
[Lieu : Ë bord dĠun navire anglois]
Entrent Denton, Sumner et Bell. Tonnerre
Sumner LĠempyre [473] se clive dĠun feu fracassant dĠor bleu, foutte nostre peau de clous forgs, martels froid sur les enclumes des cieux.
Denton Il pleut.
Sumner Oui, il pleut. 5
Denton Oui, voudrois tu bien laisser l. Eust mieux vallu pluie que de voir une nuict claire et ainsi avoir tesmoignage des cometes, des macules [474] et des cieux desordonnez. Le livre de Dieu est ouvert tous ceux qui ont des yeux. Feux sombres, estoiles tombantes et minuicts lumineux annoncent des maux. 10
Bell Maudit soit le ciel. Je voudrois sentir la terre, mesme la plus destrempe. JĠay navig suffisamment jusquĠ ma mort. Ce navire me semble attach ma tombe. Sortis de Southampton, apres avoir contourn la queue de Cornouailles, puis lĠIrlande, marchons nous sur le sable irlandois ? Mais peine ancre au fond de lĠocean quĠelle rebondit et nous traversons les glaces dĠOrkney et de l nouveau allons vers le Yorkshire. Comme Sisyphus, jamais, nous navigerons [475]. NĠy a il pas de fin ? Nous navigeons et combattons et repartons naviger pour combattre nouveau. Mon estomach nĠiroit plus jusques l. 20
Denton Sois satisfaict de ne tĠestre battu. LĠIrlandois tĠoffrira amiti, mais te mordra quand il verra ton dos.
Sumner Nous monstrons seulement nostre dos et laissons lĠIrlandois debout, car le roy a perdu sa reine desvoye pendant ce temps. Inconsider, dis-je. 25
Denton LĠaurait il confine quĠelle nĠauroit peust errer [476].
Bell Penses-tu que le ciel sĠesclaire pour nous prevenir ? Ou nous dire que nous serons punis pour ses pechs ? Son pere nĠavait pas espous sa mere. Peut-estre ne pouvons nous gagner dĠadvantage. Je voudroy rentrer. Je voudroy sortir de ce navire brimbal. 32
Denton Je tĠapprecie plus present que ton feu sĠest refroidi que quand tu estois beau coq [477] de gloire.
Bell Je nĠay point peur. 35
Denton Alors, tu nĠes point un homme. Le bruit est l pour faire peur.
Bell Je ne crains pas. Pas beaucoup. Mais je voudroy arrester. Mes intestins dansent.
Sumner Et ceux de la moiti des hommes dansent avec les tiens. La fievre du diable est bord de notre jovial esquif, et nous toucherons terre avec moins de mains quĠil nĠy en avoit pour aller en Irlande. 42
Bell Je ne vay pas compter ni me plaindre du compte ni dĠaucun malheur encore venir, si nous pouvions seulement guigner [478] la terre.
[Voix off] Emboucheure du Humber ! Emboucheure du Humber ! — Amenez les voiles ! Faictes caler [479] ! 45
Denton Voicy donc la terre pour toy et je te souhaite toutes les joies possibles, Bell. Voicy la terre selon tes souhaits, mais tu viendras bien tost appeler le navire, car l haut nĠest que gueules de canon qui babillent.
Bell Je monteroy, maudit soit le canon, maudite la pluie. 50
Denton Les clous forgs froid.
Bell Oui, les clous, maudits soient les clous, je me destremperoy volontiers dans le premier esquif qui descend et se dirige vers le vert.
Sumner Et nous derriere toy. Conduis nous.
Ils sortent
Acte V, scne 3
[Lieu : Le camp anglois au bord de
lĠestuaire du Humber]
Entre Arthur
Arthur Nos dos sont acculs aux vagues du Humber ;
Un seul chemin — devant, tout comme dans la vie.
Dans ces algueĠmarines nos pieds sont prisonniers,
Tant le destin sĠempresse nous voir enterrs.
Quelle belle chronique sera faicte de nous 5
Dans un limon qui cede et qui ne cede point ?
Est-ce la fin promise de ce si grand royaume
Que je vouloy bastir sur les guerres dĠUter.
Si lĠhistoire dĠArthur sĠacheve en mollasse [480]
Comment la jouera on, comment remplir la scene ? 10
Un sermonneur [481] entonne en guise dĠepylogue :
Ç Indigne des offrandes que lui fit la fortune,
Les dissipa de rage, volupt et grand haste. È
Ce nĠest pas equitable : la tache de naissance
Ne me fut pardonne, ny oncques oublie, 15
Peu importe que jĠay creez un grand royaume.
NĠeus droict advantage aucun, sinon devoy
Affronter bataillons et volont des autres :
Roy rivaux et seigneurs en mecontentement !
JĠauroy pu fuir en France, ou devenir bergier, 20
Et ceste nuict si grise estre Guenhera.
Me la donneroit on present — jĠabjuroy.
Abjurant, je choisis de vivre dans la paix.
En paix, je me soustroy la poigne de honte,
La honte dĠeschouer dĠavoir est moy mesme, 25
Ce moy devait pourtant estre celui dĠun roy,
LĠabjuration mĠest donc un acte interdit.
Jamais ne pourroy estre auteur de mon histoire.
Que peut savoir un homme de sa propre chronique ?
Que sait il du malheur que demain dissimule ? 30
Donc, precipitons nous — si la boue le permet —
Vers la fin que nous donnent les cieux : NĠattendons pas.
Entrent Gloucester, Cumbria, Cornwall, etc.
Bienvenus ceste nuict pour une promenade !
JĠexaminoy, seigneurs, toute la joy que jĠay
Ë
vous trouver encore ce jour auprez de moy. 35
Rejoindre nostre reine — pied ou en bateau ?
Ou suspenduz aux serres, chacun, dĠun tiercelet [482] ?
Cornwall Nos piques sont ranges [483] en desordre mon roy.
Nous perdons lĠadvantage si nous luttons icy.
Gloucester Ny sabots ny houseaux ne quitteront ce champ : 40
Avancer dans la boue ou retraicte en vagues.
Cumbria Nous nĠavons plus de flesches et de nos coulevrines
Les berceaux [484] sont plongs jusques la clavete [485].
Arthur Je voudroy quĠun fleschier [486] ainsi quĠun jardinier,
Mes amys, apparaissent, que le chariot des cieux [487] 45
Tombe depuis l haut pour brusler ceste boue.
Ma reine, Constantine, ta soeur, nous attend, toy
Et moy, si prez dĠicy quĠune flesche faiblette
Sans peine atteindroit le lieu o on la tient.
Si dĠaucuns icy tremblent devant la boue, quĠils aillent 49a
Avec amour et vengent ma mort un autre jour. 50
Ë lĠaube — si soleil peut percer ces nuages
Du Yorkshire — seul jĠiroy trainer dans cette fiente,
Si Dieu le veut plong jusques la poitrine,
Chercher mon heritier, chercher reine ayme.
Fico [488] aux Escossois arrogants qui la gardent. 55
Entrent les Ambassadeurs
Soyez brefs, ne troublez, messieurs, nostre travail,
Nous voulons vous savoir occis et desols.
1er Ambass. Roy, maugr ceste guerre, bonne humeur vous faites,
De Mordred nous venons, apporter le respit.
Inform que vous estes icy en grand danger, 60
Ne desirant pour vous quĠamour sans mal-veillance,
Il vous offre la reine, vous offre le bastard.
Arthur Il nous cede, tres bien. Nous acceptons son offre.
Allez les liberer, nous vous espagnerons.
2e Ambass. Il faut changer les termes : vous allez abdiquer. 65
Abandonner lĠenfant, lui aussi, tous ses droicts,
Renoncer doit la reine aux droicts de ses enfants.
Vous estes en peril, il vous octroit la vie.
1er Ambass. Sinon guerre cruelle vostre arme menace,
Jamais vous ne verrez la fin de ces combats 70
Et la reine mourra dez le premier coup.
Arthur Si je nĠabdique pas Mordred tue mon espouse ?
Il affuste sa lame sur le cou de ma reine ?
Et vous servez un roy aussi cruel que luy ?
Qui sont ceux qui prononcent paroles de tyran ? 75
Vostre vie payera le prix de lĠambassade.
Gloucester Hesitez la colere, roy, et sachez que nous sommes
En inferiorit, que la fievre nous ronge.
Arthur Faut il dĠreiner la reine pour acheter sa vie,
Deroyer vostre roy pour avoir un roy picte ? 80
Cumbria Aux eschecs on eschange royaume contre reine.
Je nĠay ferme creance que si nous renonons
La reine survivra, nous quitterons ce champ.
DĠautres reines existent, elles sont courtizer,
Et dĠautres heritiers vous pourrez mettre bas. 85
Cornwall Non, Mordred nĠosera verser sang aussi pur. —
[Aux ambassadeurs] Dites vostre roy que je veux lĠaffronter
En combat singulier : soit lance soit espe,
Le prix en est la reine, lĠisle tout entiere.
Arthur Suffit, bon Constantine, car nous sommes cerns. 90
Soyez contents, mes freres, il en sera ainsi.
Je perdroy des royaumes, le mien aussi, pour elle,
Et ne veux la tuer par orgueil obstin. —
[Aux ambassadeurs] Protection pour mes hommes, cĠest ce quĠil doit promettre.
2e Ambass. Ë ceux qui se rendront il promet la clemence. 95
Entre esclaireur
Cumbria Mais voicy des nouvelles quĠil nous faut escouter.
Esclaireur Majest, lĠennemy sĠesbranle [489] et sĠapproche
En deux immenses aisles, il est l tel un aigle
Et dans quelques minutes nous serons enferms.
Arthur Escoutez : si Mordred veut attaquer nos forces 100
Tandis que nous parlons avec ses ambasses ?
Gloucester La nuict est bien trop sombre et voir est impossible,
La boue nĠest advantage pour les soldats du Picte.
Il nĠest de stratageme qui puisse avec haste
Traverser ce bourbier et ce brouillas opaque. 105
Rapporte nous moins viste ce que tes yeux ont vu.
Cumbria Ils se glissent vers nous au couvert de la nuict
Et leurs hommes voudroient nous envoyer au lit !
Civilit nĠexiste devant un si grand crime.
1er Ambass. Bon roy, je vous le jure, nous estions ignorants. 110
DĠaction il nĠy aura avant nostre retour.
Cumbria Ils mentent. Ces outres charnues pleines de vent
Encoignent [490] leur savoir, il nous faut les percer.
Ë grands secrets il faut grands desgorgeoirs, donc
Perforons plaisir, trouons ces sacs de bourdes. 115
2e Ambass. Je jure, Majest, que cela ne peut estre.
Arthur JĠauroy tres-volontiers donn aux loups royaumes,
Mais je vais maintenant vous jetter en enfer.
Il tue les ambassadeurs
1er Ambass. Non ! Non ! CĠest injuste !
2e Ambass. Oh, perfidie ! Je meurs ! 120
Gloucester Quelle folie ! Ainsi vous tuez vostre reine
Et vous nous tuez tous !
Arthur Duc, tu es une femme !
Fulminant dans la boue et dans ce marrecage
NĠattendons pas Mordred, que ses crocs se referment. 125
Aux armes ! Aux armes ! Et armez vous de haine !
QuĠune rage bouillante nous porte, nous emporte
Par dessus ces marais o il veut nous noyer ! 127a
Tirent les mangonneaus [491] ! Lancent les trebuchets [492] !
Que le canon crache, que son souffle nous haste
Soit pour sauver la reine soit pour nous enterrer ! 130
Ils sortent pour attaquer
[Acte V,] scne 4
[Lieu : Le camp picte]
Entrent Mordred, Guenhera, Philip, soldats
pictes
Mordred Pourquoi tout ce fracas ? Quel est ce mouvement ?
Tous mes ambassadeurs ne sont ils pas rentrs ?
1er soldat La masse des armes de cet usurpateur
Se fraye par la force un passage travers 3a
Ceste boue et transperce lĠobscurit nocturne.
Nos aisles sont places mais se ferment sur lĠair [493]. 5
Mordred Il rejette nos offres et vient nous attaquer ?
Il ne propose rien pour racheter ces vies
Et les estime moins quĠun throsne et la gloire ? —
[Ë Guen. ou Philip] Vostre roy veut plustost rire de vos cadavres
Que troquer sa couronne pour lĠexil avec vous. 10
Il en a decid, cĠest luy qui a choisi. —
Ces deux l sont la preuve de monnaie sans valeur [494].
Je ne vois pas en quoy ils me seroient utiles.
Il est seur neantmoins quĠil me faut une reine :
Bien tost elle sera moins hautaine catin. 15
[Ë un soldat] Maintenant charge toy de ces deux. Je mĠen vais.
1er soldat LĠenfant prez de sa mere doit mourir comme elle ?
Mordred Je sais tout ce venin plus espais chez lĠenfant [495].
Mordred sort
Philip Cecy ne peut se faire. Oste ces mots affreux.
Guenhera Quel est ton nom, gentil chevalier ? 20
1er soldat Choisissez.
Guenhera Je choisiroy un nom dont on parle en vers,
Dont les potes louent la courtoisie et lĠair,
Un nom qui conviendroit chevalier decent,
Qui jamais ne nuiroit quelque innocent. 25
1er soldat Choisissez donc pour moy. Peu mĠimporte lequel.
Le temps du choix est bref : preparez vous lui.
Guenhera Je suis preste. Et toy ? Ton action est la tienne.
1er soldat Je ne puis concevoir quĠil en soit autrement.
Philip Me tuer, ton roy tu desoberas. 30
Ton roy veut interrompre toute ligne dĠArthur,
Mais ne suis de son sang, ny suis de sa semence
Ny ne suis heritier, ny non plus un danger.
Guenhera LĠenfant parle plain-chant [496], tu dois le liberer.
1er soldat Vous nĠestes pas la reine, cecy nĠest pas le ciel, 35
Les reines sont Londres, et non pas dans la boue,
Le ciel, si souvent bleu, ne peut pas estre noir,
Et tout cela estant autre que ce quĠil est,
Mieux vaut ne pas penser ou ne jamais agir.
Guenhera Tuer reine sacre : tu peux donc y penser, 40
Mais contemple avant ce garson un peu simple ;
Son visage et la folle circonstance outre
Doit arracher piti au coeur le plus sombre.
1er soldat Combien de fois jĠouy [497] parler de compassion,
Sans recueillir le sens que doit avoir ce mot. 45
On diroit comme un cri ou priere futile.
Guenhera Dieu ait piti de toy.
1er soldat QuĠil ait piti de vous.
Philip Mais, Reine, ne peut on ceste vision finir ?
Je voudrois mĠesveiller et me trouver chez moy. 50
Guenhera Sois brave, et ainsi montre toy donc un prince.
1er soldat Bien tost sera lĠesveil, disent-ils, allons y.
Frappe Philip
Philip Mais non, mais non, ma vie ne peut se terminer !
Il meurt
Guenhera Dieu misericordieux, prends moy aupres de Toy !
[Le premier soldat] poignarde
Guenhera, elle meurt
1er soldat [Au deuxieme soldat] Tu te tiens aussi bien que tout autre soldat. 55
Montre toy plus utile et preste moy ton bras.
2e soldat On tĠa donn bassesse, moy, suffit que je voye.
1er soldat Bien veu, garde hardi, sousleve, au marais !
Ils sortent [avec les corps]
[Acte V, scne 5]
[Lieu : Le champ de bataille de
Humberside]
Canonnades. Sorties. Entrent des soldats
pictes et anglois qui se battent. Entre Mordred
Mordred Le roy Arthur est mort ! Fuyez, Anglois ! Fuyez !
Soldat angl. Le roy est mort ! Repli ! La guerre est perdue !
Mordred sort
Pas de roy, dĠheritier, de reine, repli, tous !
Bruits de bataille. Entre Arthur
Arthur Voyez. Prenez courage de ce visage nu
Et nous les pousserons dans les eaux defrelantes [498] ! 5
Soldat angl. Arthur vit ! Le roy vit ! Battons nous ! Battons nous !
Ils sortent
Canonnades. Entrent Gloucester et Mordred.
Ils se battent
Gloucester Pour te tuer, demon, je donne tout mon souffle,
Fils de lĠenfer sorti du plus sombre des puits.
Jamais tu ne seras un jour roy de Bretagne.
Mordred Vieux Gloucester, Dieu brandit mon espe ma place 10
Pour mĠasseoir sur ce throsne suivre Sa volont,
Le premier de Ses plans doit estre ton trespas.
Gloucester Tu nĠes roy, car priv de la ligne dĠArthur [499].
Mordred Meurs, apoltronny [500], meurs ! Maintenant tu es mort !
Gloucester est tu
Le protecteur leur montre le chemin de lĠenfer. 15
Le mome son disciple le suivra dĠicy peu,
Mais je nĠose lĠabattre sans quĠon vienne mĠaider.
Ë moy ! Ë moy !
Entrent des soldats pictes
1er soldat Seigneur ?
Mordred Ton travail est il fait ? 20
1er soldat Roy, la perfection.
Mordred Amy tres honor !
Ë mes costs jusques la chute dĠArthur.
Le lasche a jur de frapper dans le dos.
Ils sortent
Canonnades. Sorties. Entre Arthur
Arthur Non, Gloucester, non ! Encor offre moy tes mots sages ; 25
Tu fus aussi mon pere, et moy jĠestois ton fils.
Arthur, ton bon rien, aujourdĠhuy te requiert.
Cumbria entre
Cumbria O roy ! Le Picte fou destructeur de nos armes
Pour gagner la couronne a hazard son ame :
Il a tu Philip, tu ta Guenhera. 30
Arthur Non ! Vray ce ne peut estre ! La mort est-elle envieuse ?
Car elle engloutit mes amours devant moy
Et dedaigne ma vie, mĠoblige rester
Ë errer en enfer, pour escorcher mon cÏur.
O pere ! Ceste fin : preuve de ma naissance ? 35
Spectre sanglant, voicy, je suis devenu toy.
Pour quoy mĠestre cach dans les bois de Gloucester ?
Pour quoy avoir vescu mes saisons la guerre ?
JĠay sauv York, Lincoln [501], au temps de ma jeunesse
Sans jamais demander un peu de plaisir mien 40
Sinon pour une reine que jĠaymoy plus que tout.
Mesme cecy est plus que ne merite un roy.
Cumbria Mon roy, pas de retraicte, il nous faut batailler.
Les enfants du pas sont lavs dans lĠHumber,
Leurs membres, branches dĠarbres, flottent sur ses eaux rouges. 45
Ecrazons lĠennemy ! Mon roy, venez vous battre !
Entre Cornwall
Cornwall Frere, amy, heros de Bretagne, debout !
Le jour peut estre nostre maugr tout ce chagrin !
Canonnades. [Cornwall et Cumbria]
sortent
Arthur Estre un autre homme que celuy que je suis !
O Dieu, libere moy de cette boue qui monte 50
Et donne moy un signe : comment ce roy indigne
Peut il vous obeir ?
Entrent Mordred et un soldat
Merci, Dieu. Viens, poltron !
Mordred O, roy, bastard en pleurs, le dupe de la mort,
Ton aiguille coudre, en garde femmelette, 55
Attaque moy, couard ! [Au soldat] Frappe le dans le dos !
Ils se battent. Arthur est bless puis
tue Mordred [et le soldat]
Arthur Que mon sang enrichisse la terre de Bretagne
QuĠil la fortifie contre les roys rivaux.
Canonnades. Entrent Constantine [Cornwall]
et des nobles anglois
Cornwall O roy !
Arthur Bon Constantine, viens estraindre [502] ma forme 60
Si fraile qui sĠesgoute, enleve de ma teste
Ce grand poids qui lĠoppresse, pour reposer sur toy.
Cornwall enleve la couronne
Sur ce front legitime, elle brille sans peser.
Cornwall Adieu, amy tres doux, doux roy, frere perdu.
Arthur meurt
JusquĠaux cieux resonnez tambours et trompettes 65
De notes emmesles de graces, de tristesse.
Trente mille soldats sont morts aujourdĠhuy
Pour gaigner la victoire, icy Humberside,
Avec un roy aymant qui dans la mort les ayme
En vouant son sang la paix du royaume. 70
Enterrons leurs mortelles formes selon leur rang.
Que Bretagne toujours soit benie jamais,
Ne soit plus deschire par toutes les querelles
Ont rong le royaume, puis ont tu Arthur.
Que les cieux nous accordent priere et present : 75
Une paix pour sceller les divisions de lĠisle.
Dressons des sepulchres pour le roy et la royne,
Pour leurs ames chantons, pour les nostres aussi.
Ils sortent
[1] Gloucester se prononce en deux syllabes (glosteur). (N.d.T.) (Toutes les notes de bas de page sont soit dĠArthur Phillips, soit du professeur Roland Verre (rv), soit du traducteur (bh).)
[2] Le quarreau, ou carreau, est un trait dĠarbalte ft court dont le fer a quatre pans.
[3] Velours. Les chiens taient souvent protgs pour la chasse au sanglier, les humains plus rarement. [rv]
[4] Forme ancienne dĠesquiv.
[5] Graphie ancienne de mets.
[6] Une des ironies de la premire dition moderne de la pice perdue de Shakespeare est que lĠorthographe est parfois amricaine (savor et non savour) ! [rv]
[7] Par en bas.
[8] Ouverture en sponde. Gloucester essaye dĠobtenir lĠattention du prince. CĠest par ces indices subtils de mtrique que Shakespeare communiquait avec ses acteurs (et avec les acteurs dĠaujourdĠhui) et les dirigeait sans didascalies trop prcises. [rv]
[9] Jamais.
[10] La couronne.
[11] Mlodie ou chant.
[12] Voir Macbeth, II, 2, 43. [rv]
[13] Cheval de bataille.
[14] Ancienne orthographe de ballot, balle de marchandise.
[15] Au sens dĠemmaillot ; on retrouve encore ce sens dans la rgion de Lyon.
[16] Morceau dĠtoffe.
[17] La couleur du lever du jour ( lĠest, ou lĠOrient).
[18] Confesse.
[19] Double sens sexuel, pieu comme phallus, et mouton, argot pour le vagin. [rv]
[20] Une fois encore, allusion sexuelle : Ç conscience dĠun rien È, une rection pour un vagin. [rv]
[21] Testicule.
[22] Double sens : le sanglier sait chercher les truffes, mais les truffes taient galement supposes promouvoir la chastet et calmer lĠardeur sexuelle, ce qui serait certainement le cas si les babines ou les dfenses en venaient coter un caillou au prince. [rv]
[23] Ancienne orthographe dĠassoupie.
[24] Berger, ptre.
[25] 1e pers. du sing. de cueldre, forme ancienne de cueillir.
[26] Exclamation qui, la chasse, sert appuyer les chiens. Shakespeare sĠassure que nous avons compris quĠArthur change une proie pour une autre. [rv]
[27] mascul.
[28] Lorsque Ulysse partit pour la guerre de Troie, il demanda Mentor dĠtre le gardien et le professeur de son fils.
[29] pe en bois.
[30] Dorlot.
[31] La Bretagne.
[32] Les Saxons migrrent en Bretagne, soit paisiblement soit comme envahisseurs, entre 400 et 600 apr. J.-C.
[33] Grief tait monosyllabique.
[34] SĠil ne convient pas.
[35] Ë lĠpoque, venimeux se disait aussi pour dĠautres choses que des animaux.
[36] Voir Henry VI, Premire Partie, III, 2, 95, o mon pre a vol ce vers.
[37] Mais peut-tre Shakespeare cite-t-il le mme matriau, ou bien ceux qui ont sans doute collabor avec Shakespeare pour crire Henry VI, Premire Partie — Nashe, Peele ou Greene — citaient-ils Arthur, la pice de Shakespeare quĠils connaissaient. Les explications sont la fois nombreuses et impossibles confirmer, mais elles ne dsignent pas avec certitude lĠimposture laquelle souscrit Mr. Phillips dans son introduction. [rv]
[38] Pictland, pays des Pictes, puissance dominante du Nord dans cette pice, ce pays couvrait apparemment lĠest de lĠcosse entre la domination romaine et le Xe sicle.
[39] Revendiquer.
[40] LĠtranger.
[41] Laisse.
[42] Les troupes stationnes au pays de Galles. [rv]
[43] Arthur est dguis en paysan ou en berger. [rv]
[44] Il est possible quĠelle ait dj perc le dguisement dĠArthur, car sa peau est ple, pas comme celle de quelquĠun qui passe sa vie en plein air. [rv]
[45] En voici le signe. (Latin, et remerciements aux traductions en ligne.)
[46] Ou aux diteurs professionnels : Shakespeare rutilisa lĠexpression dans Henry IV, Premire Partie, II, 4. [rv]
[47] Primevre. Je ne peux quĠimaginer mon pre cherchant en trouver une dans un livre sur les fleurs dans sa prison.
[48] Une fois encore, Mr. Phillips bondit sur des ombres. On trouve la primerole — Primula veris — dans trois autres Ïuvres de Shakespeare. [rv]
[49] Gourmand. Joan entend Ç lechier È au lieu de Ç ecce È, cĠest--dire quĠil voudrait faire lĠamour. Elle passe immdiatement du Ç tu È informel et amical au Ç vous È plus distant (et plus chaste). CĠest par des dtails tels que celui-l que lĠon sent lĠÏuvre dĠun matre dramaturge du XVIe sicle, pas celle dĠun prisonnier du XXe. [rv]
[50] Tu ne les laisses pas tĠembrasser contre une promesse. [rv]
[51] Joan taquine avec des doubles sens. Si Arthur est jeune et mignon, cela changera, tout comme la forme dĠun nuage, et un jour il sera cocu ; on disait quĠil poussait des cornes aux cocus quand leur femme les trompait. [rv]
[52] Proclamation publique de la promesse de mariage.
[53] Lache, plante qui pousse dans les lieux humides. (Une allusion sexuelle-anatomique nĠest pas impossible. rv)
[54] Sr.
[55] Puissant.
[56] Faire une promesse de mariage.
[57] Jeu sur ab hoc & ab hac : sans aucune suite ou raison. [LĠexpression anglaise, Ç tilly-vally È se trouve deux autres fois dans les pices de Shakespeare. rv]
[58] Tournemelon, voir Ç Step On È par le groupe Happy Mondays : Ç Tu causes si branch, mec, tĠen tords mon melon. È
[59] Sens obscur. Un visage si laid quĠil pourrit un melon ? Une personne fourbe ? Peut-tre une coquille la composition, mais aucune solution nĠa t propose par les premiers lecteurs. [rv]
[60] Le sonnailler est lĠanimal qui, dans un troupeau, va le premier, avec une cloche au cou.
[61] Trne.
[62] La mer.
[63] Jamais plus.
[64] Imaginer.
[65] Tourterelle.
[66] Notion.
[67] Joan entend les allusions sexuelles dans ce que dit Arthur. [rv]
[68] Verrou.
[69] Prs.
[70] Tout prs.
[71] Malmen. Le chambellan dont parle Arthur est le chien de Joan.
[72] Bouffon.
[73] Daw, ou jackdaw, choucas, oiseau rput stupide dans les pices de Shakespeare. [rv]
[74] Prte.
[75] Retourner le troupeau lĠenclos.
[76] Entre 1398 et 1603, les hritiers du trne dĠcosse eurent le titre de duc de Rothesay, comme les hritiers du trne dĠAngleterre avaient le titre de prince de Galles. Dans le cas prsent, toutefois, Shakespeare commit la fois un anachronisme (sĠil faut croire Holinshed, ces vnements se passaient au VIe sicle) et une erreur de lieu (quel que ft lĠemplacement du pays des Pictes, il ne comprenait probablement que ce qui est aujourdĠhui lĠest de lĠcosse. Rothesay est lĠouest). [rv]
[77] Alda parat tre une erreur de mon pre, car elle ne parle jamais.
[78] Peu probable. La prsence silencieuse de la reine Alda dans cette scne est spcifiquement demande par Shakespeare et il faut le remarquer. Arthur est — comme lĠont not ailleurs dĠautres commentateurs et comme cela sera sans doute analys dans un volume rudit venir sur Shakespeare et le fminisme — une pice trs fminine, en dpit de la lutte entre les rois et des scnes de bataille. LĠaccouchement de Guenhera et ses chagrins conjugaux, les mres abandonnes et la prsence obligatoire dĠAlda ici — o son droit de parole est ouvertement ddaign — rvlent, selon moi, une sensibilit aux problmes de la femme ingale dans lĠÏuvre de Shakespeare. On pourrait mme ajouter — avec peine un soupon dĠironie — le sanglier dans I, 1, qui est dcrit en termes la fois sexuels et violents, et qui est explicitement compar (Ç Sus elle ! È) la bergre quĠArthur sduit et abandonne. [rv]
[79] Ç Trop echauff È : nous sommes au milieu dĠune conversation. Loth rpond aux paroles violentes de Mordred. [rv]
[80] Sortait violemment.
[81] Agita par un branle continu.
[82] Grincheux.
[83] La vsicule biliaire tait suppose tre le sige de la colre.
[84] En avance, contraire de Ç en retard È.
[85] Contrle.
[86] chauffe.
[87] Ë lĠtage infrieur, en bas.
[88] La Tour de Londres (dont la construction commena en 1078) tait suppose avoir t laisse par les Romains. [rv]
[89] Jeu de mots. Arthur se couvrira de la couronne ; Ç boutez dessus È signifiait Ç mettez votre chapeau È la fin du XVIe sicle. [rv]
[90] Bndiction.
[91] Force, autorit.
[92] Taupe, chez Rabelais.
[93] Actions licencieuses.
[94] Ceintures o sont attaches les armes. [rv]
[95] Legs.
[96] Objets inutiles, encombrants et pesants.
[97] Un peu moins de 2 mtres.
[98] Jeu de mots. Littralement : Ç Tes paroles ne changeront pas les choses È. Au figur : Ç Tout ce vent ne suffira pas faire bouger lĠair[ritier, cĠest--dire Arthur] È. [rv]
[99] Sans doute la pointe de son pe.
[100] Afin de satisfaire son dsir sexuel sur la femme du comte qui lui rsista, car il la viola. [rv]
[101] Dans le Second Livre de Samuel, le roi David envoya la guerre (et une mort certaine) Urie, dont lĠpouse, Bath-Schba, tait enceinte de ses Ïuvres. [rv]
[102] Baptiser un enfant en dehors des crmonies religieuses ; ici transformer.
[103] Abme.
[104] Rendre droit (inusit aprs le XVe sicle).
[105] Elle ne dit rien, car Alda reste silencieuse. Voir la note au sujet des didascalies plus haut. [rv]
[106] Frle, fragile.
[107] En avance, prmatur.
[108] Secret.
[109] Le vasselage, ce sont les humbles sujets.
[110] pe double tranchant des montagnards cossais.
[111] Fumante.
[112] Ami.
[113] Encercls.
[114] Highlands dĠcosse.
[115] Latrines.
[116] Prparer.
[117] Sans doute, ici, lĠodorat. [rv]
[118] Profit.
[119] JĠexpliquerai avec enthousiasme.
[120] Crapaud. En anglais toadstool, champignon vnneux que Shakespeare a t seul utiliser comme adjectif. [rv]
[121] Ville ctire au nord de lĠcosse.
[122] Mfiance.
[123] Les Chroniques de Holinshed, la source de Shakespeare pour cette pice, ne rapportent que ce qui suit : Ç Les Bretons ayant trait les ambassadeurs pictes avec ddainÉ È CĠest de ce germe que Shakespeare cra I, 4, une extraordinaire dramatisation de cette simple ide. [rv]
[124] Aprs sĠtre agenouill.
[125] Complet, incontest.
[126] Peser, valuer.
[127] Efficacit.
[128] Marque, preuve.
[129] Couteau lĠavant dĠune charrue.
[130] purer, dcanter, servir le vin. CĠest--dire que nĠimporte quel btard, paysan ou cabaretier pouvait prtendre la couronne.
[131] Femmes de mauvaise vie. [rv]
[132] Champ de St. George, quartier de Londres renomm alors pour ses prostitues. [rv]
[133] Le 23 avril est justement mon anniversaire comme il est celui du roi Arthur. Un petit clin dĠÏil de mon pre et la preuve que Dana a raison de dire que la pice Ç parle de moi È.
[134] La Saint-George est galement suppose tre la date de naissance de Shakespeare, bien que cela nĠait jamais t confirm. LĠindication quĠil sĠagit de la date de naissance du roi Arthur fait penser que Shakespeare se permettait de rvler quelque chose sur lui-mme lorsque Somerset dcrit un homme qui frquente les prostitues. Peut-tre que Shakespeare, qui tait des mois et parfois des annes loin de sa femme, tait-il intimement familier du champ de St. George. Toutefois, le 23 avril est aussi le jour fondateur de lĠordre de la Jarretire (li la geste arthurienne), de sorte quĠil existe bien davantage dĠexplications plausibles pour cette rfrence que lĠide quĠelle ait pu tre place pour rendre hommage un romancier du XXIe sicle. [rv]
[135] Autre jeu de mots insinuant quĠArthur est sexuellement insatiable et Gloucester simplement son entremetteur ; le mot poterne ou porte de la ville donnant sur la rivire tait utilis pour dsigner la sodomie. [rv]
[136] Esquivera.
[137] Avant la dcouverte de ce texte, la plus ancienne utilisation note de raspberry (framboise) en anglais datait de 1602, soit cinq ans avant la publication de la pice. Ce sont de tels dtails qui finissent de me convaincre de son authenticit. [rv]
[138] Ç Depuis quĠil en a lĠge, le prince passe son temps sĠoccuper de singeries sexuelles. È [rv]
[139] Double sens. La longueur de la nouvelle barbe du prince (qui atteint ses pouces) rejoint celle de son pnis. [rv]
[140] On disait que les tailleurs taient bien membrs. [rv]
[141] Gloucestershire : trois syllabes : Glostersheu.
[142] Jouter, combattre cheval lors dĠune joute.
[143] Blesse, coince.
[144] Le chevalier est emprisonn dans son armure.
[145] Longue pe lame fine.
[146] Le choix est entre tre tu avec lĠarte tranchante de la lame, avec la pointe de lĠpe ou assomm avec le lourd pommeau.
[147] Rapidement.
[148] York (au nord), o le pre (Uter) mourut et o le fils voudrait, ce qui est peu normal, mourir, chose aussi peu naturelle que de voir le soleil se coucher au nord. [rv]
[149] Voir Docteur Folamour, un des films prfrs de mon pre : Ç Messieurs, on ne se bat pas dans le PC de guerre. È
[150] Oiseau proche du crave bec rouge [suppos parler tort et travers. rv]
[151] Il serait plutt temps dĠaccorder un pardon.
[152] Brivet.
[153] La premire de plusieurs rfrences la petitesse de Mordred.
[154] Viol, violent.
[155] tayer. Le verbe anglais to pillar tait semble-t-il une invention de Shakespeare. [rv]
[156] Sans valeur. [Littralement, valant trois oboles, trois petites pices. rv]
[157] Si cette pice fut joue au dbut des annes 1590, imaginer une monarchie anglaise remplace par une succession cossaise nĠaurait pas encore t un problme grave politiquement. Mais, en 1597, cela nĠaurait certainement pas t le cas. [rv]
[158] Corvables.
[159] Fculentes : en anglais, contenant ou ayant la nature de fces ; en franais, le mot drive de fcule, qui vient de faex, la lie.
[160] Ailes.
[161] Mercure — le dieu messager — avait des ailes attaches aux talons. Si elles avaient t attaches plus haut, elles auraient pu emporter la puanteur flatulente des mots. [rv]
[162] Pre-pardon : indulgence pralable. La premire utilisation du mot, prae-pardon, connue jusquĠalors datait de 1625 (John Donne). [rv]
[163] Lcher.
[164] Railleries.
[165] Ç Violence È peut tre prononc comme ayant deux ou trois syllabes, en franais comme en anglais ; ici, deux syllabes. [rv]
[166] LĠÇ criture secrtaire È tait un des divers style dĠcriture aux XVIe et XVIIe sicles, plus difficile contrefaire et donc plus utilise pour les correspondances confidentielles. [rv]
[167] Le sable de Calais tait rput pour scher lĠencre aprs avoir crit. [rv]
[168] Ç Ta mmoire fuyante se souviendra-t-elle de mon message ? È
[169] Vicieux, mchant.
[170] Hraut pourpre : cĠest--dire contusionn, mais jĠentends aussi lĠaffection de mon pre pour le classique livre pour enfants de Crockett Johnson, Harold and the Purple Crayon, lĠhistoire dĠun petit garon solitaire qui cre le monde autour de lui par ses dessins.
[171] Confus et honteux, mais aussi marqu par les coups.
[172] Refroidir leurs testicules (de cristalliser le sucre).
[173] Descendu.
[174] Grand lzard quĠon disait paralyser ceux qui le regardaient. [rv]
[175] Allusion Sodome et Gomorrhe[, dans le Livre de la Gense —rv].
[176] Branler (locher un arbre pour en faire tomber les fruits). [Peut-tre un jeu de mots sur les lochs dĠcosse. rv]
[177] Le palefroi est un cheval de parade, lent ; les chevaux de Gallway appartiennent une race de chevaux cossais de trs petite taille, que Shakespeare mentionna une fois de plus dans Henry IV, Seconde Partie. CĠest aussi la seconde rfrence la taille de Mordred. [rv]
[178] Le nom Caerleon peut avoir entre deux et quatre syllabes selon la prononciation.
[179] CĠest correct ; utilis par Shakespeare dans Peines dĠamour perdues, V, 2, 475. [bh]
[180] Accepter les indignits sans se plaindre ; voir Henry V, III, 2, 51.
[181] Faire la morgue quelquĠun, lui montrer du mpris.
[182] Ordre crit confrant Alexander son statut spcial ; dans le cas prsent, Somerset menace aussi de lui couper les oreilles. [rv]
[183] Ç Arthur est le roi. È Le seul latin que je sache par cÏur. [Remarquez : la mtrique sĠarrte sur ce vers, laissant du temps pour lĠaction. rv]
[184] Faux fainant : allusion au faux bourdon ; il est intressant de remarquer que Shakespeare utilise quatre fois le mot faux bourdon dans ses pices, deux fois avec lĠpithte Ç fainant È. [rv]
[185] Connotations de frocit, de cruaut et de tromperie.
[186] Humeur non rflchie. [Ailleurs, Shakespeare utilise Ç intemperature È. rv]
[187] Fidle.
[188] Adverses, antagoniques.
[189] Ë lĠimproviste, soudainement.
[190] SĠacharnent.
[191] Ç Essayer ma couronne et sĠasseoir sur le trne. È
[192] Rle.
[193] Se fouetter en pnitence de lĠassassinat du comte de Cornouailles par son pre.
[194] Mprisant.
[195] Refuse la naissance.
[196] Fautes.
[197] Petit cercle, bandeau.
[198] tain, miroir.
[199] Il faut remarquer quĠArthur commence utiliser le nous de majest, il a accept la couronne et cette acceptation se reflte dans ses paroles. [rv]
[200] Le Matre des chiens commet quelques improprits de langage. Ici, il veut dire Ç transsubstantis È, le dogme catholique de la transformation pendant la communion. Si lĠon considre le niveau des querelles religieuses de lĠAngleterre protestante pendant les annes 1590, un peu de raillerie aux dpens des catholiques nĠest pas impossible. [rv]
[201] Improprit, il veut dire excommuniera. [rv]
[202] Morceau de viande quĠon donne lĠanimal pour le rcompenser.
[203] Caresse.
[204] Homme qui procure des femmes aux libertins.
[205] Leur court aprs.
[206] Femme de mauvaise vie.
[207] Ë la fois son plaisir et celui de son membre viril (vit). [rv]
[208] Encore une allusion sexuelle. [rv]
[209] Le roitelet est un petit oiseau trs doux, le laneret, un oiseau de proie. [rv]
[210] TĠattarder.
[211] Dedans.
[212] Les Saxons avaient envahi lĠAngleterre en remontant lĠestuaire du Humber, ils dbarqurent et envahirent York par la terre.
[213] Mis couvert.
[214] Protg par une herse.
[215] Hommes sans courage.
[216] Vin ml dĠeau.
[217] Ç Que les signes soient absents. È (latin) [Ç QuĠil nĠy ait pas de mauvais prsage È ou Ç Que Dieu mĠen garde. È —rv]
[218] Diomde tait un des hros de la guerre de Troie.
[219] Cela est vrai, mais la rfrence est ici au gant Diomde, qui possdait quatre cavales, lesquelles taient devenues folles aprs avoir mang de la chair humaine. Une de ces cavales sĠappelait Deinos (Ç Terrible È). Un des douze travaux dĠHercule tait de voler les cavales. [rv]
[220] Dfait, catastrophique.
[221] Plutt hypocrite, car Mordred avait envoy Alexander avec le dessein prcis de provoquer la guerre. [rv]
[222] Bavire, partie de lĠarmure protgeant le cou et le menton.
[223] Esprit follet.
[224] Les quatre quartiers des armoiries dĠArthur rvlent son ambition dĠtre roi de toutes les les Britanniques : pays de Galles (dragon), Angleterre (lions), cosse (chardon) et Irlande (harpe). [Ces symboles sont videmment des anachronismes lĠpoque dĠArthur. —rv]
[225] Petites bannires.
[226] Involontairement, Mordred attache une image fcale aux Nordiques, ce qui devait amuser le public londonien mais suffisait offenser James VI, provoquant la lettre Nicolson de 1598. [rv]
[227] Pige.
[228] Diadme.
[229] Orkney, dans les Orcades, groupe dĠles situes au nord de lĠcosse.
[230] Bienveillance.
[231] En anglais, vivers, un mot qui nĠa t utilis quĠen cosse jusquĠau XIXe sicle, ce qui montre quel point Shakespeare savait couter les voix des gens qui lĠentouraient et imiter leur dialecte. [rv]
[232] Les ambitions fantaisistes dĠArthur peintes sur son blason en quatre sections.
[233] Ironique, Arthur attaque tous ceux quĠil rencontre avec la mme gnrosit.
[234] De la sorte.
[235] Congratuler. [Shakespeare a fait de ce verbe un adjectif dans Mesure pour mesure. rv]
[236] Jeu de mots : les livres comme poids et comme argent pari sur le bras dĠArthur. [rv]
[237] Pluton, dieu du monde souterrain et de ses immenses richesses. [DĠo le mot Ç ploutocrate È. rv]
[238] Certain de la victoire.
[239] Pr, prairie.
[240] La lgende veut que les envahisseurs avaient brl leurs navires en arrivant en Angleterre afin de ne pas tre tents de rentrer chez eux, de sorte que chaque ennemi allait devoir tre tu. [rv]
[241] Repas gratuit, combat.
[242] Canon. [Anachronisme. rv]
[243] Je tombai la renverse.
[244] Bois dont on faisait les arcs. [rv]
[245] Cingler, frapper avec une arme flexible.
[246] Neveu.
[247] Nomm dĠaprs le bourreau perptuel de mon pre, Ted Constantine, au bureau du procureur de Hennepin County et pre de Doug, mon meilleur ami.
[248] Le nom se trouve dans Holinshed, Malory et dans plusieurs autres rcits sur Arthur. Shakespeare ne lĠa pas choisi pour faire un commentaire sur un procureur du Minnesota vivant au XXe sicle. [rv]
[249] Inspir, je crois bien, par les habitudes de mon pre au restaurant Embers, Minneapolis, o je lĠimagine trs bien en train dĠcrire cette pice.
[250] Trpignement, danse, mais aussi combat.
[251] La Petite Bretagne est la Bretagne franaise, quĠil oppose la Grande Bretagne.
[252] Phrase un peu alambique : mme si le champ de bataille de Lincoln ne fait que le quart de celui dans lequel nous venons de nous battre, York, nous perdrons cette occasion si nous ne nous dpchons pas, car les gamins disperseront eux-mmes ce qui reste des ennemis. [rv]
[253] Les affaires mystrieuses dĠArthur York ne sont jamais vraiment explicites dans le texte. Je vois quatre explications diffrentes cela : (1) Le texte de 1597 est corrompu. (2) Nous sommes supposs comprendre que lĠarrive de Philip lĠacte IV est le dnouement dĠune liaison amoureuse ici, lĠacte II. (3) La production originale contenait cet endroit des mouvements de scne que nous ne comprenons plus (les metteurs en scne dĠaujourdĠhui trouvent sans doute leur propre interprtation). (4) Shakespeare a laiss sĠinstaller une ambigut au cÏur du comportement de ses personnages, comme il lĠa fait plus tard, par exemple, dans Othello. [rv]
[254] mouss.
[255] Le talon dĠAchille.
[256] Du combat.
[257] Bton de commandement.
[258] Bubon de peste, juron.
[259] Grincheux, bien que le mot soit rpertori de 1611. [bh]
[260] Mon armure et mes armoiries reflteront ma royaut mme si toi tu les portes. [rv]
[261] Les discours nobles ont besoin de beaucoup de vent.
[262] Tortueuses.
[263] Genoux.
[264] Le dragon est sans doute un canon ayant la forme dĠun dragon. [Anachronisme. rv]
[265] En anglais Ç ordnance È [Anachronisme. —rv]
[266] Barbire, bavire, partie de lĠarmure protgeant le cou et le menton.
[267] Lapins.
[268] Blond.
[269] Ignorant.
[270] Il tremblait tant de peur quĠil aurait baratt de la crme en beurre.
[271] Bl.
[272] Faire la figue, mpriser, se moquer.
[273] On pensait ainsi gurir de la syphilis, la Ç maladie franaise È.
[274] PardĠs Head, LeopardĠs Head, sans doute une auberge. Une pinte droite est une pinte de bonne mesure.
[275] Se dit dĠune personne qui nĠouvre pas la bouche, parce que le francolin (oiseau de la famille des sylvains) ne chante pas en cage.
[276] Hisser.
[277] Montre son arrire-train, est en fuite.
[278] Les Anglais trouvrent Lincoln quatre fois les forces auxquelles ils sĠattendaient.
[279] Cicatrices dont il est fier.
[280] Couvert de merde.
[281] Terme de fauconnerie, se dit des oiseaux de proie qui sont de haut vol, les meilleurs. [rv]
[282] Le roi Arthur sĠest dguis pour voyager seul en scurit de York Lincoln. Comme ses mots ci-dessous lĠindiquent, il est aussi en train de Ç faire pnitence È, et son changement dĠhumeur dans cette scne est typique de ces retraites au petit matin aprs des aventures regrettables.
[283] Gurie.
[284] Lav fond.
[285] Un metteur en scne dĠaujourdĠhui a le choix pour dcider quand, exactement, Gloucester se rend compte que le moine est Arthur. [rv]
[286] Chuchotent.
[287] Une srie dĠallusions sexuelles laissant entendre quĠArthur se rend chez lĠvque pour participer des orgies. [rv]
[288] Grillade de porc ou de bÏuf.
[289] Puisque Arthur le prend pour un simple meuble.
[290] CĠest mon pre la plume, il nĠy a aucun doute.
[291] Ballots. Le sens de lourdaud nĠexistait pas lĠpoque de Shakespeare, mais les ballots taient lis par des cordes, tout comme les prisonniers.
[292] Dme, dixime partie.
[293] Qui a une odeur ftide.
[294] Le roi, par son simple toucher, tait suppos capable de gurir les malades des crouelles ou scrofules.
[295] Tir dĠune fable dĠsope. [rv]
[296] Expression latine signifiant que le personnage reste sur scne.
[297] Personnage suffisant et niais. [rv]
[298] Personnage pieux, qui prie pour dĠautres.
[299] Son armure est claire parce quĠelle nĠa pas connu le combat Lincoln. [rv]
[300] Autour, oiseau de proie.
[301] Un magistrat dans chaque comt pour imposer la juridiction royale. [rv]
[302] Cornwall, ou Cornouailles.
[303] Il est intressant de remarquer le brusque passage la prose : de vieux amis, autrefois amis intimes, bavardent avant de retourner aux affaires dĠtat au vers 41, o Arthur reprend galement le voussoiement plus formel. Un cas semblable de glissement vers la prose entre deux personnages de la mme classe sociale se retrouve la fin de Henry IV, Premire Partie, III, i, entre Hotspur et son pouse. [rv]
[304] En anglais : we strived. En tant quĠexemple de stylomtrie, le rsultat de lĠtude informatique dĠArthur indique que Shakespeare avait tendance utiliser le pass strived au dbut de sa carrire, et strove plus tard. [rv]
[305] Il nĠy a l aucune implication dĠesprit comique. [rv]
[306] Mauvais cheval maigre.
[307] Terme de chasse : se rapprocher de lĠanimal que lĠon chasse. Le jeu de mots est sur Bath, la ville et bath, un bain.
[308] Balsamine, huile faite de lĠinfusion de la graine de balsamine.
[309] Aristocratie cossaise, titre quivalent duc.
[310] Grands bateaux rames des chefs cossais de lĠOuest.
[311] Site traditionnel des tombeaux des rois dĠcosse, sur lĠle de Iona, dans le Nord-Ouest ; voir Macbeth, II, 4, 33. [rv]
[312] Comme avec birlinns, il est intressant de noter lĠusage du dialecte cossais par Shakespeare. [rv]
[313] Aiguise.
[314] Il manque deux syllabes au vers, ce qui indique une pause ; sans doute Mordred qui attend une rponse de Loth. [rv]
[315] Accs.
[316] On ne peut pas savoir si le messager continue livrer le message dĠArthur ou sĠil exprime ses propres (et comprhensibles) sentiments. [rv]
[317] Tu mĠattaques avec les critiques correctes que jĠavais faites prcdemment. [rv]
[318] Remarquez le demi-vers pour les mouvements de scne : sortir la tte du sac, raction, etc. [rv]
[319] Rle.
[320] Paroles incohrentes.
[321] Un idiot.
[322] Encore un vers court. Mordred entend-il son pre parler ? Ou prtend-il entendre quelque chose ? Ou bien se rend-il compte de lĠoccasion ? Ici, une fois de plus, chaque metteur en scne va pouvoir sĠapproprier la pice. [rv]
[323] Imbibs.
[324] Tu peux dire ce que tu veux.
[325] Cotte de mailles porte au Moyen ċge.
[326] LĠAmbassadeur de France a sans doute un fort accent. Il prononce Gloucester la franaise, en trois lourdes syllabes. Shakespeare sĠest parfois moqu des Franais et a essay de transcrire des accents trangers dans ses pices. Cependant, dans le cas prsent, je ne peux mĠempcher de me souvenir de lĠaffection de mon pre pour le personnage de Pp le Putois dans les dessins anims de la Warner Brothers.
[327] Dans le texte anglais original, lĠaccent de lĠambassadeur transforme un troche malhabile (AR-thur) en un iambe acceptable (ar-TOUR). [rv]
[328] La mer du Nord.
[329] Les mouvements de scne autour du portrait de la princesse (cĠest une miniature couvercle et seul le roi peut la voir) expliquent peut-tre aussi pourquoi la pice a disparu. Le pre dĠElizabeth, Henry VIII, accepta dĠpouser sa quatrime femme, Anne de Clves, aprs avoir vu un portrait dĠelle. Aprs lĠavoir rencontre, il demanda lĠannulation. Cet pisode entre Arthur et Matilde ressemble sans doute bien trop lĠhistoire de Henry VIII. [rv]
[330] Ë ton gr.
[331] Juron de trs peu de force, et sans doute assez ironique ici. [rv]
[332] Pilote dĠun navire, le nocher du Styx.
[333] De travers, tordus.
[334] Proraisons, rhtorique.
[335] Danser, tanguer. [rv]
[336] Arthur joue lĠidiot et fait semblant de ne pas comprendre ce que veut dire Gloucester, mais son refus des synecdoques ne peut tre quĠironique, puisque Ç teste couronne È est un exemple de synecdoque. [rv]
[337] Remarquez le vers court : une pause, une hsitation. [rv]
[338] Entriner.
[339] Jeune coq.
[340] Varit de pommes semblable la reinette.
[341] trange nigme. Alexander Pope crivit dans Essai sur lĠhomme en 1733, Ç Espre lĠternel printemps È. Aurait-il lu La Tragdie dĠArthur dans cette maison de campagne o Mr. Phillips pre a vol la pice ? [rv]
[342] Vers intestinaux qui attaquent les chevaux. Cela ressemble beaucoup une excuse fabrique.
[343] Musique de lĠamour et non musique de guerre. [rv]
[344] In kind (en nature) : cĠest l, ironiquement, un peu dĠeau au moulin de lĠcole Bacon-crivit-Shakespeare. In kind, dans ce sens, nĠest nulle part employ par Shakespeare, mais par Bacon, en 1622, dans sa pice Henry VII. Naturellement, cela ne prouve peut-tre que le fait que Bacon imitait Shakespeare ou quĠils taient tous deux des innovateurs lorsquĠils crivaient le langage parl de leur poque. [rv]
[345] Comdien, acteur.
[346] Mais.
[347] La camomille tait suppose pousser avec plus de force quand on marchait dessus. LĠadjectif est une invention de Shakespeare. [rv]
[348] Les flches de Cupidon, dieu de lĠamour.
[349] Cacher.
[350] Terme de fauconnerie : lĠoiseau est brid par une filire au poing du chasseur.
[351] Les images de ces quatre vers viennent des combats dĠours et de chien. Arthur se donnant le rle de lĠours (comme son nom le suggre), ce que poursuit ensuite Guenhera. [rv]
[352] Comme mon pre nĠa jamais cess de me le rappeler quand jĠtais petit ; Ç Arthur È signifie Ç ours noble È dans une quelconque langue celtique.
[353] Prnom pastoral, bien-aimes. [rv]
[354] Prnom rustique.
[355] Sirius, mais surtout les jours les plus chauds de lĠanne, la canicule.
[356] La lance dĠAchille avait la vertu de gurir les blessures quĠelle faisait quand le hros y consentait. [rv]
[357] trangement, on trouve dans ce vers ainsi que plus bas, au vers 307, les seuls exemples du mot Ç regret È chez Shakespeare, bien quĠil ait t utilis dans des livres que nous savons avoir t lus par lui, comme dans La Reine des fes, de Spenser. [rv]
[358] Ulex europaeus. [rv]
[359] Chlidoine, fleur sauvage.
[360] Dans ces vers, on peut entendre lĠenfance de Shakespeare dans le Warwickshire, un de ces merveilleux moments que lĠon est tent de voir comme autobiographiques. Ranunculus ficaria, ou fausse renoncule, est une fleur sauvage des Midlands, elle sĠouvre et se referme en fonction du soleil (mais certainement pas aprs avoir t coupe pour en faire une couronne), et tait galement utilise pour confectionner un onguent Ç priv È, comme on le voit dans un autre nom de la plante : Ç herbe aux hmorrodes È. [rv]
[361] Dsormais.
[362] Suave.
[363] Cder.
[364] Jeune chne. Ici, oakshot (le soleil passe travers le feuillage des chnes) est une invention de Shakespeare. [rv]
[365] Asseyons-nous.
[366] Prdit.
[367] Commerces, ngoces.
[368] Ses abondantes rcoltes.
[369] La reine est enceinte.
[370] Museau.
[371] Mre.
[372] CĠest cette phrase qui, montre ma mre, lĠincita rejeter la pice tout entire comme Ç grotesque È, pour ne pas dire Ç illisible È. Ç Il aurait mieux valu quĠil passe ses annes de prison soulever des poids È, a-t-elle dit en soupirant.
[373] Silvius est un nom quĠon retrouve souvent dans les pastorales, le folklore anglais, etc., et, comme Mr. Phillips lĠa not ailleurs, utilis par Shakespeare pour un berger dans Comme il vous plaira. [rv]
[374] Le matre sĠarrte avant de dire Ç Arthur È.
[375] Autre remarquable preuve linguistique de la paternit de la pice. Un passage (cross-passage) tait, lĠpoque mdivale, un corridor qui reliait deux portes qui se faisaient face, dont lĠune donnait sur la rue, et lĠautre sur la cour intrieure. Il existe un tel passage dans la maison o Shakespeare naquit et grandit. Il passe devant la boutique de gants de son pre et permettait un cheval tirant une charrette pleine de peaux de pntrer dans la maison et dĠentrer dans la cour pour livrer avant de ressortir par le mme chemin. Que Silvius soit tellement gros quĠil bloquerait un tel passage est videmment une immense exagration de la part du matre. [rv]
[376] Le matre allait une fois encore dire Ç Arthur È.
[377] Au sens dĠaffaibli, sans force. Il ne sĠagit pas dĠinsuffisance mentale.
[378] Grouille.
[379] Enfant bichonn, mignard, gt.
[380] Nous apprenons au dbut de lĠacte IV que la reine a dj fait deux fausses couches. [rv]
[381] Il trouve ses paroles imaginatives et spirituelles. Mais dans ce contexte on ne peut sĠempcher dĠentendre une rfrence son infertilit. [rv]
[382] Confirmation de la petite taille de Mordred. Mon pre a dit un jour Ted Constantine, alors quĠil tait conduit hors dĠun tribunal de plus : Ç La position sociale ne remplace pas la stature, Ted. Quand tu seras procureur gnral des tats-Unis, tu sentiras toujours mes couilles frler ta moumoute. È
[383] Ici, videmment, il faut noter lĠallusion aux serviettes menstruelles. [rv]
[384] Un vers court. Une pause pendant que Cumbria se prpare pour le vers suivant, qui est trahison.
[385] Au sens de mauvaise comprhension.
[386] Malgr.
[387] Femmes huissiers, galement crieuses.
[388] LĠexpression anglaise, re-breathed est une invention de Shakespeare. Il lĠa une fois de plus engrosse. [rv]
[389] Ç JĠabdique mon rgne È [en ta faveur]. Latin.
[390] moudre, aiguiser.
[391] Garon effmin et plaintif.
[392] Saule.
[393] Pour commencer. [Expression lgale habituelle au dbut dĠune liste, les points suivants sont introduits par Item. rv]
[394] Le 17 septembre.
[395] Mle, le moment du combat pendant une joute.
[396] Au XVIe sicle, Ç affaire È pouvait tre masculin ou fminin, comme chez Agrippa dĠAubign et Montaigne. [bh]
[397] Attnu, sans circonstances attnuantes. Le mot anglais ici est unmitigated, que Shakespeare nĠutilise que deux fois, ici et dans Beaucoup de bruit pour rien. Le mot ne semble pas avoir t utilis aprs lui jusquĠen 1814 (selon lĠOxford English Dictionary), quand Jane Austen lĠa emprunt. [rv]
[398] Jeu ancien qui a donn le jacquet.
[399] Rgle.
[400] Si tu continues parler ainsi, ta langue trop acre te vaudra dĠavoir la tte coupe.
[401] Involontaire, obligatoire. [Autre exemple de lĠutilisation dĠun mot — compulsatory — deux fois par Shakespeare et plus jamais ensuite : ici et dans Hamlet. Voir Ç Have I Twice Said Well È, de David Crystal, dans la revue Around the Globe, 23, p. 11. — rv]
[402] Ne conviennent pas.
[403] La ballade est une forme potique qui comprend entre vingt-cinq et trente-cinq vers.
[404] Grincheux.
[405] Le 11 novembre.
[406] Un divertissement comprenant musique, danse et posie.
[407] Lynmouth.
[408] Sans doute les livres dĠtiquette et dĠamour chevaleresque.
[409] Allusion au phnix mythique qui se consumait dans les flammes et renaissait de ses cendres.
[410] Annihile.
[411] Sans doute une rfrence lĠhistoire du roi Knut II de Danemark, qui dmontra les limites de lĠautorit royale lorsquĠil ordonna la mare de sĠarrter dans un estuaire (mais Knut vivait au XIe sicle). [rv]
[412] Ancien roi de Lydie clbre pour sa fortune obtenue grce aux sables aurifres du fleuve Pactole.
[413] Avoir des fausses couches.
[414] Naturel.
[415] Reprends-toi. Littralement, remets ton vit dans ta braguette. [rv]
[416] Le brochet, utilis en hraldique. [rv]
[417] Allusion la fois une possible fin de la ligne et la circoncision. [rv]
[418] Non sincres, hypocrites.
[419] Dsormais.
[420] Au XVIe sicle, risque tait fminin.
[421] La sage-femme.
[422] Un vers court. La reine sĠinquite-t-elle du calme de son fÏtus ? [rv]
[423] La tavaolle est un linge garni de dentelle dont on habille un enfant pour son baptme ; si lĠenfant meurt moins dĠun mois aprs sa naissance, il est enseveli dans sa robe de baptme.
[424] Mordred ne sĠinquitera pas des petits cris de lĠenfant et occupera le trne sa place. [rv]
[425] Dans les thtres lisabthains, un espace entour de rideaux, le discovery space, galement appel inner stage ou scne intrieure, servait reprsenter une pice spare. [Ici, cĠest une mtaphore pour la matrice. rv]
[426] Voir Hro et Landre de Christopher Marlowe : Ç Plus que notre vie nous aimons un ami fidle. È Le pome fut publi pour la premire fois en 1598, mais Shakespeare lĠavait sans doute lu auparavant. Comme si souvent avec ces deux hommes, il est presque impossible de dmler qui influenait qui. Voir Rival Playwrights, de James Shapiro. [rv]
[427] Hros troyen.
[428] QuĠil faisait semblant dĠtre mon ami.
[429] Ce vers apparat mot pour mot dans le sonnet 55, publi en 1609 mais crit certainement beaucoup plus tt. Un emprunt Ç en rett È semblable aux Sonnets (ou une rutilisation dans les Sonnets, plus tard) se retrouve dans Edward III, qui est plus ou moins contemporain de La Tragdie dĠArthur. [rv]
[430] Mordred commence comprendre quĠil sĠest fait rouler.
[431] Fantassin irlandais.
[432] Ds coudre.
[433] Petit poids, soixante-douzime partie dĠun gros, ou vingt-quatrime dĠun scrupule, soit 0,0532 gramme.
[434] Moiti dĠun scrupule.
[435] Monnaie de cuivre qui valait deux oboles.
[436] Il semble que ce soit une invention de Shakespeare partir du nerlandais peluwe. [rv]
[437] LĠpisode de Philip de York est peut-tre un autre indice qui explique la disparition de La Tragdie dĠArthur. Le pre dĠElizabeth, Henry VIII, ennoblit de la mme faon un fils illgitime, Henry FitzRoy. Le garon mourut dix-sept ans, mais le roi, qui nĠavait que des filles, semblait avoir voulu faire de lui son hritier. Comme avec la scne du portrait en III, 1, cette scne peut avoir t comprise comme un commentaire sur le pre de la reine, ce qui tait plus que suffisant pour lui valoir dĠtre interdite au thtre. Une remarque supplmentaire : Henry VIII tait le fils pun dĠHenry VII et ne serait pas devenu roi si son frre an nĠtait pas mort prmaturment. Son nom ? Arthur. [rv]
[438] Une occasion de plus pour un metteur en scne de dcider quand Arthur accepte de croire Philip, sĠil le croit jamais. [rv]
[439] Depuis que je sais parler. tymologiquement, enfant, ou infant, signifie Ç qui ne parle pas È, donc fant est celui qui parle.
[440] Le dictionnaire de Cotgrave a le verbe Ç cousiner È : obtenir un avantage en prtendant tre du mme sang.
[441] Humble. Le sens nĠest pas toujours pjoratif.
[442] Tu es ma copie.
[443] Autre indice de la datation de cette pice, le mot gloomy (morose) nĠapparat que dans les toutes premires pices de Shakespeare. [rv]
[444] La zoologie lisabthaine soutenait que les aigles devenaient adultes en fixant le soleil. [rv]
[445] Bronche. Hsiter.
[446] Perplexit.
[447] Fabriquas, imaginas.
[448] Jaillit.
[449] Minerve sortit en armure du crne de Jupiter, o sa mre lĠavait nourrie.
[450] Le mot crne est une cration du XVIIe sicle, on disait alors un test.
[451] Double sens : Ç NĠas-tu pas eu mal ? È et Ç As-tu eu du mal inventer tout cela ? È [rv]
[452] Ou crouelles. La maladie se disait galement au singulier. [Le mot anglais scroyle fut galement utilis par Shakespeare dans Le Roi John. rv]
[453] Fosse dĠaisances.
[454] Ë bien des gards, cĠest l le moment le moins shakespearien de toute la pice et, bien que Mr. Phillips ne lĠait pas fait remarquer, je vais le faire : ce qui est rvl ici au public — que Philip est en fait un escroc — devrait normalement apparatre avant quĠil soit accept par Arthur (si Arthur est sincre quand il croit lĠhistoire du garon et ne veut pas simplement lĠaccepter comme un mensonge utile afin de rompre son pacte avec Mordred). Ce mme effet dramatique existe dans dĠautres pices du canon — je pense Iachimo et la malle dans Cymbeline et la statue dĠHermione Ç morte È dans Le Conte dĠhiver — mais pas tout fait de la mme faon. Cela dit, quĠun effet ou un mot dans une pice soit unique ne prouve absolument pas que Shakespeare ne lĠaurait pas crite. Il y a des pices canoniques dans lesquelles on trouve des exemples uniques de vocabulaire, par exemple (le terme technique tant hapax legomenon). Que Shakespeare nĠait fait une chose quĠune seule fois ne prouve pas quĠil ne lĠait pas faite. Et, dans le cas prsent, je ne pense certainement pas quĠil nĠen est pas lĠauteur. Je dirais plutt quĠil sĠagit dĠune exprience qui, dĠaprs lui, ne valait pas la peine dĠtre rpte ou dĠun effet que le public nĠavait pas aim. [rv]
[455] On rapporte que les cheveux du seigneur de Saint-Vallier, arrt comme complice du conntable de Bourbon, blanchirent en une seule nuit.
[456] Terme de fauconnerie : le rclame ou rclam est un morceau de viande avec lequel on rappelle lĠoiseau. [En anglais, les quatre derniers vers filaient la mtaphore volatile, ce qui nĠa pas pu tre fait en franais. bh]
[457] Aprs. Mordred annonce quĠil ne sera roi de Bretagne quĠaprs la mort dĠArthur.
[458] Il y a sans doute une allusion sexuelle dans ce vers. [rv]
[459] Mordred prend les acteurs pour des souverains trangers. Tandis que les acteurs prennent Mordred pour un autre acteur, dguis, de manire assez peu convaincante, en roi.
[460] Empereur des Francs. [rv]
[461] Empereur romain. [rv]
[462] Roi dĠIsral. [rv]
[463] Roi des Juifs. [rv]
[464] Roi de Troie. [rv]
[465] Dieu romain du tonnerre. [rv]
[466] Icare, dans la mythologie grecque, vola vers le soleil avec des ailes de plumes et de cire et tomba dans la mer. [rv]
[467] Triple sens virtuose : (1) seuls les oiseaux (le nigaud est un petit cormoran) ne savent pas faire la diffrence entre maquillage et vrai sang ; (2) seuls les imbciles ne savent pas faire la diffrence entre rois et comdiens ; (3) seul un imbcile prendrait Mordred pour un roi. On pense ce quĠa dit lĠcrivain italien Pavese : Ç Shakespeare tait conscient quĠune double ou triple ralit se fondait dans un seul vers ou un seul mot. È [rv]
[468] Enlever Ç mere È de Ç mere-reine È en pousant Guenhera qui deviendrait sa reine.
[469] Obscne. [Il semble que Montaigne soit le seul avoir utilis cette orthographe. bh]
[470] La continuation de ma ligne.
[471] CĠest--dire octroy le trne Philip. [rv]
[472] Gner.
[473] Le ciel.
[474] Taches.
[475] Une erreur de Bell, ou de mon pre. Dans le mythe, Sisyphe est condamn par les dieux pousser un rocher jusquĠen haut dĠune colline sans jamais atteindre le sommet.
[476] Il y a dans cette rplique lĠimplication que Guenhera trompe Arthur. [rv]
[477] LĠanglais bawcock, qui vient du franais, se trouve galement dans Henry V, II, 2 et IV, 5. [rv]
[478] Apercevoir.
[479] Amenez les voiles.
[480] Terrain marcageux.
[481] Un prcheur.
[482] Faucon plerin mle.
[483] Au sens de mettre en rang.
[484] Affts des canons.
[485] Petite cheville qui maintient les roues en position.
[486] Un fabricant de flches.
[487] Le soleil.
[488] Figue en italien ; un geste obscne.
[489] Se met en mouvement. Je me rappelle que mon pre mĠa dit quĠil avait un jour comment un match de football de lĠuniversit de Minnesota pour la radio de lĠuniversit, KUOM. Une des raisons pour lesquelles on ne lui a plus jamais demand de commenter les matchs tait son utilisation rpte de lĠexpression : Ç Les arrires sĠbranlent. È
[490] Dissimulent. [Il est intressant de noter que lĠutilisation suivante de ce verbe rare (en anglais, to nook) est due un plus jeune dramaturge, Thomas Middleton, qui collabora avec Shakespeare sur Timon dĠAthnes vers 1605. Peut-tre un exemple de lĠinfluence directe de Shakespeare sur la gnration suivante. rv]
[491] Machines de guerre qui lanaient des boulets.
[492] Machines de guerre qui lanaient des pierres.
[493] Exemple intressant de la Ç confusion de la guerre È. Nous ne savons pas qui a attaqu le premier. Arthur a-t-il perdu le contrle de sa colre ou Mordred a-t-il perdu le contrle de son plan insidieux ? [rv]
[494] Ils nĠont aucune valeur en tant quĠotages.
[495] Dans la zoologie lisabthaine, il tait suppos que les jeunes serpents possdaient un venin concentr dont la force sĠattnuait la maturit. [rv]
[496] Il dit toute la vrit.
[497] JĠentends.
[498] Dferlantes.
[499] Il te manque les qualits et les ascendants dĠArthur.
[500] Devenu poltron.
[501] En fait, Arthur nĠtait pas Lincoln, voir II, 7. [rv]
[502] treindre.